Orthogonalité par rapport à une Forme Bilinéaire
Définition : Orthogonalité

Soit $E$ un K-espace vectoriel et $f$ une forme bilinéaire symétrique sur $E$. Soit $A$ une partie non vide de $E$. On définit l’orthogonal de A par rapport à f, noté $A^\perp$, comme l’ensemble des vecteurs de $E$ qui sont orthogonaux à tous les vecteurs de $A$ : $$ y \in A^\perp \iff \forall x \in A, f(x, y) = 0 $$

Remarque

  1. Pour toute partie non vide $A$ de $E$, son orthogonal $A^\perp$ est toujours un sous-espace vectoriel de $E$ (c’est une intersection de noyaux de formes linéaires).
  2. Si $A \subseteq B$, alors $B^\perp \subseteq A^\perp$.
  3. Un sous-ensemble et le sous-espace qu’il engendre ont le même orthogonal : $A^\perp = (Vect(A))^\perp$. Par convention, on pose $\emptyset^\perp = E$.
  4. L’orthogonal de l’espace entier, $E^\perp$, est appelé le noyau de la forme bilinéaire $f$, noté $N(f)$. Un vecteur $x$ est dans le noyau si et seulement s’il est orthogonal à tous les vecteurs de $E$. En dimension finie, le noyau de $f$ correspond au noyau de sa matrice représentative $A$ (car $f(x,y) = {}^tXAY$, et si $Y$ parcourt tous les vecteurs, ${}^tXA=0$, donc $AX=0$ car A est symétrique).
Proposition : Dimension de l’Orthogonal

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie et $f$ une forme bilinéaire symétrique sur $E$. Pour tout sous-espace vectoriel $F$ de $E$, on a :

  1. $\dim(F) + \dim(F^\perp) \ge \dim(E)$.
  2. Si de plus $f$ est non dégénérée, alors on a l’égalité : $$ \dim(F) + \dim(F^\perp) = \dim(E) $$

Démonstration

Considérons l’application linéaire $\Psi: E \to F^*$ qui à un vecteur $y \in E$ associe la restriction à $F$ de la forme linéaire $x \mapsto f(x,y)$. Le noyau de $\Psi$ est précisément l’ensemble des $y$ tels que $f(x,y)=0$ for all $x \in F$, c’est-à-dire $F^\perp$.

i) Le théorème du rang appliqué à $\Psi$ donne $\dim(E) = \dim(Ker(\Psi)) + \dim(Im(\Psi)) = \dim(F^\perp) + \dim(Im(\Psi))$. Comme $Im(\Psi)$ est un sous-espace de $F^*$, sa dimension est au plus $\dim(F^*) = \dim(F)$. On a donc $\dim(E) \le \dim(F^\perp) + \dim(F)$.

ii) Si $f$ est non dégénérée, l’application $\Phi: E \to E^*$ (définie par $\Phi(y)(x)=f(x,y)$) est un isomorphisme. On peut montrer que l’application de restriction $\Psi$ est surjective sur $F^*$. Ainsi, $\dim(Im(\Psi)) = \dim(F^*) = \dim(F)$. Le théorème du rang donne alors l’égalité $\dim(E) = \dim(F^\perp) + \dim(F)$.

Corollaire : Biorthogonal

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie et $f$ une forme bilinéaire symétrique non dégénérée sur $E$. Alors pour tout sous-espace vectoriel $F$ de $E$, on a : $$ (F^\perp)^\perp = F $$

Remarque

  1. Si la forme $f$ est dégénérée (avec un noyau $N(f)$), la relation devient $(F^\perp)^\perp = F + N(f)$.
  2. Même si $f$ est non dégénérée, on n’a pas toujours $E = F \oplus F^\perp$. Cela n’est vrai que si le sous-espace $F$ est lui-même non dégénéré pour la forme $f$ restreinte. Par exemple, dans $\mathbb{R}^2$ avec $f(x,y) = x_1y_1 – x_2y_2$, la droite $F=Vect(e_1+e_2)$ est son propre orthogonal, donc $F \cap F^\perp = F \neq \{0\}$.