Un sous-espace vectoriel d’un K-espace vectoriel $E$ est un sous-ensemble $F$ de $E$ qui hérite de la structure d’espace vectoriel de $E$. Formellement, $F$ est un sous-espace vectoriel si :
- $(F,+)$ est un sous-groupe du groupe additif $(E,+)$.
- $F$ est stable par la multiplication externe : $\forall \lambda \in K, \forall x \in F, \lambda \cdot x \in F$.
Un sous-ensemble $F$ d’un K-espace vectoriel $E$ est un sous-espace vectoriel si, et seulement si, il satisfait les trois conditions suivantes :
- $F$ n’est pas vide ($F \neq \emptyset$).
- $F$ est clos pour l’addition : $\forall x \in F, \forall y \in F, x+y \in F$.
- $F$ est clos pour la multiplication par un scalaire : $\forall \lambda \in K, \forall x \in F, \lambda \cdot x \in F$.
Démonstration
Le sens direct est trivial. Pour la réciproque, si $F$ vérifie ces trois conditions, il nous reste à montrer que $(F,+)$ est un sous-groupe de $(E,+)$. La condition (i) assure que $F$ est non vide. Soient $x, y \in F$. D’après (iii), $(-1_K) \cdot y$ est dans $F$. Or, $(-1_K) \cdot y = -y$. Par la condition (ii), la somme $x + (-y) = x-y$ appartient donc à $F$. $F$ est ainsi un sous-groupe de $(E,+)$, ce qui achève la démonstration.
Exemples Concrets
- Pour tout K-espace vectoriel $E$, les parties $\{0_E\}$ et $E$ lui-même sont des sous-espaces vectoriels.
- L’ensemble $K_n[X]$ des polynômes de degré au plus $n$ est un sous-espace vectoriel de $K[X]$.
- L’ensemble des suites réelles convergeant vers zéro, $F = \{(x_n)_{n \ge 0} \in \mathbb{R}^{\mathbb{N}} : \lim_{n \to \infty} x_n = 0\}$, est un sous-espace vectoriel de l’espace $\mathbb{R}^{\mathbb{N}}$ de toutes les suites réelles.
- Pour un intervalle $I \subset \mathbb{R}$, l’ensemble $\mathcal{C}(I, \mathbb{R})$ des fonctions continues de $I$ vers $\mathbb{R}$ est un sous-espace vectoriel de l’espace $\mathbb{R}^I$ de toutes les applications de $I$ vers $\mathbb{R}$.
Intersection : L’intersection d’une famille quelconque de sous-espaces vectoriels de $E$ est encore un sous-espace vectoriel de $E$.
Union : La réunion de deux sous-espaces vectoriels $F$ et $G$ n’est un sous-espace vectoriel que dans le cas où l’un est contenu dans l’autre (c’est-à-dire $F \subseteq G$ ou $G \subseteq F$).
Somme : La somme de sous-espaces $F_1, \dots, F_n$, notée $F_1 + \dots + F_n$, est l’ensemble des vecteurs qui peuvent s’écrire $x_1 + \dots + x_n$ avec $x_i \in F_i$ pour chaque $i$. C’est le plus petit sous-espace vectoriel de $E$ contenant tous les $F_i$.
Une somme de sous-espaces $F_1 + \dots + F_n$ est dite directe si tout vecteur $x$ de cette somme admet une décomposition unique de la forme $x = x_1 + \dots + x_n$, avec $x_i \in F_i$. On note alors cette somme $F_1 \oplus \dots \oplus F_n$.
La somme $F_1 + \dots + F_n$ est directe si et seulement si la seule décomposition du vecteur nul est la décomposition triviale : $$ (x_1, \dots, x_n) \in F_1 \times \dots \times F_n, \quad x_1 + \dots + x_n = 0 \implies x_1 = \dots = x_n = 0 $$
La somme $F_1 + \dots + F_n$ est directe si et seulement si, pour tout indice $i$ de $1$ à $n-1$, l’intersection de $F_i$ avec la somme des sous-espaces suivants est réduite au vecteur nul : $$ \forall i \in \{1, \dots, n-1\}, \quad F_i \cap (F_{i+1} + \dots + F_n) = \{0\} $$
Démonstration
(Sens direct $\implies$) Supposons la somme directe. Soit $x_i \in F_i \cap (F_{i+1} + \dots + F_n)$. Alors $x_i$ s’écrit aussi comme une somme $x_{i+1} + \dots + x_n$ où chaque $x_j \in F_j$. L’équation $x_i – x_{i+1} – \dots – x_n = 0$ est une décomposition du vecteur nul. Par unicité, toutes les composantes sont nulles, donc en particulier $x_i=0$.
(Sens réciproque $\impliedby$) Supposons la condition sur les intersections vérifiée. Soit $x_1 + \dots + x_n = 0$ avec $x_i \in F_i$. On peut écrire $x_1 = -(x_2 + \dots + x_n)$. Ainsi, $x_1$ appartient à $F_1$ et à $F_2 + \dots + F_n$. Par hypothèse, leur intersection est $\{0\}$, donc $x_1=0$. En répétant ce raisonnement, on montre successivement que $x_2=0, \dots, x_n=0$. La somme est donc directe.
Deux sous-espaces vectoriels $F$ et $G$ de $E$ sont dits supplémentaires dans $E$ si leur somme est directe et égale à $E$ tout entier. On écrit alors : $$ E = F \oplus G $$ Cela équivaut à dire que $E = F+G$ et $F \cap G = \{0\}$.
Exemples de Sous-espaces Supplémentaires
- Dans l’espace des fonctions $\mathbb{R}^\mathbb{R}$, le sous-espace des fonctions paires et celui des fonctions impaires sont supplémentaires.
- Dans l’espace des matrices carrées $\mathcal{M}_n(\mathbb{K})$, le sous-espace des matrices symétriques et celui des matrices antisymétriques sont supplémentaires.
Tout sous-espace vectoriel d’un K-espace vectoriel $E$ possède au moins un supplémentaire.
Démonstration
La preuve de ce théorème repose sur l’axiome du choix, souvent via le lemme de Zorn, surtout si l’espace est de dimension infinie. Si $E$ est de dimension finie, la preuve est plus simple : soit $F$ un sous-espace de $E$. On considère l’ensemble $\mathcal{M}$ des sous-espaces $G$ de $E$ tels que $F \cap G = \{0\}$. Cet ensemble est non vide (il contient $\{0\}$) et l’ensemble des dimensions des éléments de $\mathcal{M}$ est majoré par $\dim(E)$. Il admet donc un plus grand élément $p$. Soit $G$ un sous-espace de $\mathcal{M}$ de dimension $p$. On peut montrer par l’absurde que $F+G=E$, sinon on pourrait construire un sous-espace $H$ dans $\mathcal{M}$ de dimension $p+1$, contredisant la maximalité de $p$.