Fonction Zêta de Riemann et l’Hypothèse de Riemann
Définition : La Fonction Zêta de Riemann

La fonction zêta de Riemann, notée $\zeta(s)$, est une fonction d’une variable complexe $s$. Pour tout nombre complexe $s$ dont la partie réelle est strictement supérieure à 1 ($Re(s) > 1$), elle est définie par la série de Dirichlet : $$ \zeta(s) = \sum_{n=1}^\infty \frac{1}{n^s} = 1 + \frac{1}{2^s} + \frac{1}{3^s} + \frac{1}{4^s} + \dots $$

Euler a montré que cette série est également égale à un produit infini sur tous les nombres premiers $p$, appelé produit eulérien : $$ \zeta(s) = \prod_{p \text{ premier}} \frac{1}{1 – p^{-s}} $$ Cette identité établit le lien fondamental entre la fonction zêta et la théorie des nombres premiers.

Bernhard Riemann a ensuite étendu cette fonction à presque tout le plan complexe par un processus appelé prolongement analytique. La fonction ainsi prolongée est holomorphe partout sauf en $s=1$, où elle possède un pôle simple.

Les Zéros de la Fonction Zêta

Les zéros de la fonction zêta sont les valeurs de $s$ pour lesquelles $\zeta(s)=0$. Ils se divisent en deux catégories :

  • Les zéros triviaux : Ce sont les entiers pairs négatifs : $s = -2, -4, -6, \dots$. Leur existence est facile à démontrer à partir de l’équation fonctionnelle de la fonction zêta.
  • Les zéros non triviaux : Ce sont les autres zéros. Riemann a montré qu’ils se situent tous dans une bande du plan complexe appelée la bande critique, définie par $0 \le Re(s) \le 1$.
L’Hypothèse de Riemann (1859)

L’hypothèse de Riemann est une conjecture sur la localisation précise des zéros non triviaux. Elle s’énonce comme suit :

Tous les zéros non triviaux de la fonction zêta de Riemann ont pour partie réelle $\frac{1}{2}$.

Autrement dit, tous ces zéros devraient se trouver sur une unique droite verticale du plan complexe, la droite critique $Re(s) = \frac{1}{2}$.

État Actuel et Démonstration

L’hypothèse de Riemann n’a jamais été démontrée. C’est l’un des problèmes ouverts les plus importants en mathématiques, et sa résolution est l’un des sept problèmes du prix du millénaire de l’Institut de mathématiques Clay.

Cependant, de nombreux résultats partiels ont été obtenus :

  • Des milliards de zéros non triviaux ont été calculés numériquement, et tous se trouvent sur la droite critique, ce qui conforte la conjecture.
  • Hardy a prouvé en 1914 qu’une infinité de zéros se trouvent sur la droite critique.
  • Il a été prouvé qu’une proportion significative (plus de 40%) des zéros non triviaux se trouvent sur la droite critique.

La démonstration, si elle est trouvée, nécessitera probablement des avancées majeures en analyse complexe, en théorie des nombres et peut-être dans d’autres domaines des mathématiques.

Implications du Théorème

La raison pour laquelle cette conjecture est si importante est son lien profond avec la distribution des nombres premiers.

  • Théorème des Nombres Premiers : La position des zéros de la fonction zêta contrôle la précision du théorème des nombres premiers. La preuve que $\zeta(s) \neq 0$ pour $Re(s)=1$ est l’ingrédient clé de la démonstration de ce théorème.
  • Erreur dans la Distribution des Premiers : Si l’hypothèse de Riemann est vraie, elle fournirait la meilleure estimation possible pour le terme d’erreur dans l’approximation de $\pi(x)$ par la fonction d’intégrale logarithmique $Li(x)$. Elle impliquerait que les nombres premiers sont répartis de la manière la plus « régulière » possible, sous réserve de leur nature intrinsèquement aléatoire.
  • Cryptographie : De nombreux algorithmes de cryptographie modernes reposent sur la difficulté de factoriser de grands nombres, un problème intimement lié à la distribution des nombres premiers. Une meilleure compréhension de cette distribution, qui découlerait d’une preuve de l’hypothèse de Riemann, pourrait avoir des conséquences à long terme sur la sécurité de ces algorithmes.