Ce théorème s’applique à une classe d’anneaux (non nécessairement commutatifs) appelés anneaux semi-simples.
- Module Simple : Un module (l’équivalent d’un espace vectoriel sur un anneau) est dit simple s’il n’est pas nul et si ses seuls sous-modules sont le module nul et lui-même. Ce sont les « briques » irréductibles de la théorie des modules.
- Module Semi-simple : Un module est dit semi-simple s’il peut s’écrire comme une somme directe de modules simples.
- Anneau Simple : Un anneau $A$ est dit simple si son seul idéal bilatère non trivial est l’idéal nul.
- Anneau Semi-simple : Un anneau $A$ est dit semi-simple s’il est semi-simple en tant que module sur lui-même. De manière équivalente, tout module sur un anneau semi-simple est lui-même semi-simple.
Un anneau $A$ est semi-simple si et seulement s’il est isomorphe à un produit fini d’anneaux de matrices sur des corps gauches (ou anneaux à division).
Formellement, si $A$ est semi-simple, alors il existe un isomorphisme : $$ A \cong \mathcal{M}_{n_1}(D_1) \times \mathcal{M}_{n_2}(D_2) \times \dots \times \mathcal{M}_{n_k}(D_k) $$ où chaque $n_i$ est un entier positif et chaque $D_i$ est un corps gauche.
De plus, cette décomposition est unique : le nombre de facteurs $k$, les entiers $n_i$ et les corps gauches $D_i$ (à isomorphisme près) sont uniquement déterminés par l’anneau $A$.
Esquisse de la Démonstration
La démonstration est un résultat profond de la théorie des anneaux et des modules.
- Décomposition en anneaux simples : On montre d’abord qu’un anneau semi-simple est isomorphe à un produit direct d’un nombre fini d’anneaux simples. Cette étape utilise la décomposition de l’anneau en ses composantes isotypiques (sommes de modules simples isomorphes).
- Structure des anneaux simples (Théorème de Wedderburn) : Le cœur de la preuve est le théorème de Wedderburn, qui affirme que tout anneau simple artinien à gauche (une condition de finitude satisfaite par les anneaux semi-simples) est isomorphe à un anneau de matrices $\mathcal{M}_n(D)$ sur un corps gauche $D$.
- Lemme de Schur : Un ingrédient essentiel pour prouver le théorème de Wedderburn est le lemme de Schur. Il stipule que l’anneau des endomorphismes d’un module simple est un corps gauche.
- Unicité : L’unicité de la décomposition découle du fait que les facteurs simples de la décomposition de l’anneau correspondent aux classes d’isomorphisme des modules simples sur cet anneau.
Implications et Cas Particuliers
- Cas des corps algébriquement clos : Si l’on travaille sur un corps $K$ qui est algébriquement clos (comme $\mathbb{C}$), alors les seuls corps gauches de dimension finie sur $K$ sont $K$ lui-même. Le théorème se simplifie alors : toute algèbre semi-simple de dimension finie sur un corps algébriquement clos est un produit d’algèbres de matrices sur ce corps. $$ A \cong \mathcal{M}_{n_1}(K) \times \dots \times \mathcal{M}_{n_k}(K) $$
- Théorie des Représentations : Ce théorème est absolument fondamental en théorie des représentations des groupes finis. Le théorème de Maschke affirme que l’algèbre d’un groupe fini $K[G]$ est semi-simple (sous certaines conditions sur le corps $K$). Le théorème d’Artin-Wedderburn nous donne alors la structure complète de cette algèbre, ce qui permet de classifier toutes les représentations irréductibles du groupe.