Le théorème du rang est un pilier de l’algèbre linéaire qui établit une relation fondamentale entre les dimensions de l’espace de départ, du noyau et de l’image d’une application linéaire. C’est un outil puissant, non seulement pour vérifier la cohérence des calculs, mais aussi pour déduire des propriétés importantes d’une application linéaire sans avoir à tout calculer.
Soit $E$ un espace vectoriel de dimension finie et $f: E \to F$ une application linéaire. Alors :
$\dim(\ker(f)) + \dim(\text{Im}(f)) = \dim(E)$
Où :
- $\ker(f)$ est le noyau de $f$, l’ensemble des vecteurs de $E$ qui sont envoyés sur le vecteur nul de $F$.
- $\text{Im}(f)$ est l’image de $f$, l’ensemble des vecteurs de $F$ qui sont l’image d’au moins un vecteur de $E$.
- La dimension de l’image, $\dim(\text{Im}(f))$, est aussi appelée le rang de $f$, noté $\text{rg}(f)$.
Exemple : Application linéaire définie par une matrice
Soit l’application linéaire $f: \mathbb{R}^4 \to \mathbb{R}^3$ dont la matrice dans les bases canoniques est : $$ A = \begin{pmatrix} 1 & 0 & 1 & 2 \\ 2 & 1 & 1 & 3 \\ 0 & 1 & -1 & -1 \end{pmatrix} $$ Appliquons le théorème du rang pour trouver la dimension du noyau de $f$.
1. Calculer le rang de $f$ :
Le rang de $f$ est le rang de la matrice $A$, c’est-à-dire la dimension de l’espace vectoriel engendré par ses colonnes. Notons les colonnes $C_1, C_2, C_3, C_4$. On remarque que :
- $C_3 = C_1 – C_2$
- $C_4 = 2C_1 – C_2$
Les colonnes $C_3$ et $C_4$ sont des combinaisons linéaires de $C_1$ et $C_2$. Les colonnes $C_1 = (1, 2, 0)$ et $C_2 = (0, 1, 1)$ ne sont clairement pas colinéaires, elles forment donc une famille libre. Ainsi, l’image de $f$ est engendrée par $\{C_1, C_2\}$, et on a : $\text{rg}(f) = \dim(\text{Im}(f)) = 2$.
2. Appliquer le théorème du rang :
L’espace de départ est $\mathbb{R}^4$, donc $\dim(E) = 4$. D’après le théorème du rang :
$\dim(\ker(f)) + \text{rg}(f) = \dim(\mathbb{R}^4)$
$\dim(\ker(f)) + 2 = 4$
On en déduit immédiatement que $\dim(\ker(f)) = 2$, sans même avoir à résoudre le système $AX=0$.
Le théorème du rang est très utile pour étudier les propriétés d’une application linéaire $f: E \to F$ où $\dim(E) = n$.
- $f$ est injective si et seulement si $\ker(f) = \{0_E\}$, c’est-à-dire $\dim(\ker(f)) = 0$. Par le théorème, cela équivaut à $\text{rg}(f) = n$.
- $f$ est surjective si et seulement si $\text{Im}(f) = F$, c’est-à-dire $\text{rg}(f) = \dim(F)$.
Cas particulier important : Si $\dim(E) = \dim(F) = n$ (cas d’un endomorphisme), alors $f$ est injective si et seulement si $\text{rg}(f) = n$, ce qui est équivalent à $f$ est surjective. Pour un endomorphisme en dimension finie, on a donc :
Injectivité $\iff$ Surjectivité $\iff$ Bijectivité