Calculer la projection orthogonale d’un vecteur sur un sous-espace
La projection orthogonale d’un vecteur $v$ sur un sous-espace $F$ est, intuitivement, l' »ombre » de $v$ sur $F$. Plus formellement, c’est le vecteur de $F$ qui est le plus proche de $v$. Ce concept est fondamental pour la décomposition de vecteurs et la résolution de problèmes d’optimisation.
Le choix de la méthode dépend de la base dont vous disposez pour le sous-espace $F$.
- Méthode 1 (la plus simple) : Utiliser une base orthonormale.
Si vous disposez d’une base orthonormale $(e_1, \dots, e_k)$ de $F$ (que vous pouvez obtenir avec Gram-Schmidt), le calcul est direct. La projection de $v$ sur $F$, notée $p_F(v)$, est la somme des projections de $v$ sur chaque vecteur de la base :
$p_F(v) = \langle v, e_1 \rangle e_1 + \langle v, e_2 \rangle e_2 + \dots + \langle v, e_k \rangle e_k = \sum_{i=1}^{k} \langle v, e_i \rangle e_i$. - Méthode 2 : Utiliser le supplémentaire orthogonal.
Tout vecteur $v$ se décompose de manière unique en $v = v_F + v_{F^\perp}$ où $v_F \in F$ et $v_{F^\perp} \in F^\perp$. Le vecteur que nous cherchons est $p_F(v) = v_F$.
Il est parfois plus simple de calculer la projection sur le supplémentaire orthogonal, $p_{F^\perp}(v)$, puis d’utiliser la relation :
$p_F(v) = v – p_{F^\perp}(v)$.
Cette méthode est très efficace si la dimension de $F^\perp$ est plus petite que celle de $F$.
Exemple 1 : Projection sur une droite dans $\mathbb{R}^3$
Calculons la projection du vecteur $v=(2, 1, 3)$ sur la droite $F = \text{Vect}(u)$ où $u=(1, 1, 1)$.
1. Créer une base orthonormale de F :
C’est une droite, il suffit de normaliser le vecteur $u$.
$\|u\| = \sqrt{1^2+1^2+1^2} = \sqrt{3}$.
La base orthonormale est $(e_1)$ avec $e_1 = \frac{1}{\sqrt{3}}(1, 1, 1)$.
2. Appliquer la formule (Méthode 1) :
$p_F(v) = \langle v, e_1 \rangle e_1$.
$\langle v, e_1 \rangle = \langle (2, 1, 3), \frac{1}{\sqrt{3}}(1, 1, 1) \rangle = \frac{1}{\sqrt{3}}(2 \cdot 1 + 1 \cdot 1 + 3 \cdot 1) = \frac{6}{\sqrt{3}}$.
$p_F(v) = \frac{6}{\sqrt{3}} \cdot e_1 = \frac{6}{\sqrt{3}} \cdot \frac{1}{\sqrt{3}}(1, 1, 1) = \frac{6}{3}(1, 1, 1) = (2, 2, 2)$.
Le projeté de $(2,1,3)$ sur la droite dirigée par $(1,1,1)$ est le vecteur $(2,2,2)$.
Exemple 2 : Projection sur un plan dans $\mathbb{R}^3$
Calculons la projection de $v=(6, 0, 0)$ sur le plan $F$ d’équation $x-y+2z=0$.
Analyse : La dimension de $F$ est 2, mais celle de son supplémentaire orthogonal $F^\perp$ est 1. Utiliser la Méthode 2 sera beaucoup plus rapide.
1. Trouver une base de $F^\perp$ :
Le plan a pour équation $\langle (x,y,z), (1, -1, 2) \rangle = 0$.
Le supplémentaire orthogonal $F^\perp$ est donc la droite dirigée par le vecteur normal $n = (1, -1, 2)$.
2. Calculer la projection de $v$ sur $F^\perp$ :
On projette $v$ sur la droite dirigée par $n$. On normalise $n$ : $e_n = \frac{n}{\|n\|} = \frac{1}{\sqrt{6}}(1, -1, 2)$.
$p_{F^\perp}(v) = \langle v, e_n \rangle e_n = \langle (6,0,0), \frac{1}{\sqrt{6}}(1,-1,2) \rangle e_n = \frac{6}{\sqrt{6}} e_n = \frac{6}{6}(1, -1, 2) = (1, -1, 2)$.
3. En déduire la projection sur F :
$p_F(v) = v – p_{F^\perp}(v) = (6, 0, 0) – (1, -1, 2) = (5, 1, -2)$.
Exemple 3 : Projection sur un sous-espace de $\mathbb{R}^4$
Projetons $v=(1, 0, 0, 0)$ sur $F = \text{Vect}(v_1, v_2)$ où $v_1=(1,1,0,0)$ et $v_2=(0,1,1,0)$.
1. Orthonormaliser la base de F (Gram-Schmidt) :
$\|v_1\| = \sqrt{2}$. Donc $e_1 = \frac{1}{\sqrt{2}}(1,1,0,0)$.
$u_2 = v_2 – \langle v_2, e_1 \rangle e_1 = (0,1,1,0) – \frac{1}{\sqrt{2}} \cdot \frac{1}{\sqrt{2}}(1,1,0,0) = (0,1,1,0) – \frac{1}{2}(1,1,0,0) = (-\frac{1}{2}, \frac{1}{2}, 1, 0)$.
$\|u_2\| = \sqrt{\frac{1}{4}+\frac{1}{4}+1} = \sqrt{\frac{3}{2}}$.
$e_2 = \sqrt{\frac{2}{3}}(-\frac{1}{2}, \frac{1}{2}, 1, 0) = \frac{1}{\sqrt{6}}(-1, 1, 2, 0)$.
La base orthonormale de $F$ est $(e_1, e_2)$.
2. Appliquer la formule de projection (Méthode 1) :
$p_F(v) = \langle v, e_1 \rangle e_1 + \langle v, e_2 \rangle e_2$.
$\langle v, e_1 \rangle = \langle (1,0,0,0), \frac{1}{\sqrt{2}}(1,1,0,0) \rangle = \frac{1}{\sqrt{2}}$.
$\langle v, e_2 \rangle = \langle (1,0,0,0), \frac{1}{\sqrt{6}}(-1,1,2,0) \rangle = -\frac{1}{\sqrt{6}}$.
$p_F(v) = \frac{1}{\sqrt{2}} e_1 – \frac{1}{\sqrt{6}} e_2 = \frac{1}{2}(1,1,0,0) – \frac{1}{6}(-1,1,2,0)$.
$p_F(v) = (\frac{1}{2}+\frac{1}{6}, \frac{1}{2}-\frac{1}{6}, -\frac{2}{6}, 0) = (\frac{4}{6}, \frac{2}{6}, -\frac{2}{6}, 0) = (\frac{2}{3}, \frac{1}{3}, -\frac{1}{3}, 0)$.
- Le plus proche voisin : $p_F(v)$ est le point de $F$ qui minimise la distance à $v$. C’est la base de la méthode des moindres carrés en statistiques.
- Décomposition orthogonale : Tout vecteur $v$ se décompose de façon unique en $v = p_F(v) + (v – p_F(v))$, où $p_F(v) \in F$ et $(v – p_F(v)) \in F^\perp$.
- Théorème de Pythagore : $\|v\|^2 = \|p_F(v)\|^2 + \|v – p_F(v)\|^2$.
- La projection $p_F$ est une application linéaire (un projecteur). Elle vérifie $p_F \circ p_F = p_F$.