Comment Compléter une Famille Libre en Base (Théorème de la Base Incomplète)

Le théorème de la base incomplète est un résultat fondamental qui nous assure qu’on peut toujours « agrandir » une famille de vecteurs indépendants pour former une base complète de l’espace. C’est comme avoir quelques briques bien solides et savoir qu’on peut toujours en ajouter d’autres pour construire un mur entier.

Méthode : Le Procédé de Complétion

Soit $E$ un espace vectoriel de dimension finie $n$. Soit $\mathcal{L} = (u_1, \dots, u_p)$ une famille libre de $E$ (avec $p < n$). La méthode pour la compléter en une base de $E$ est la suivante :

  1. Prendre une base connue de $E$, par exemple la base canonique $\mathcal{C} = (e_1, \dots, e_n)$.
  2. Considérer la famille « concaténée » $\mathcal{F} = (u_1, \dots, u_p, e_1, \dots, e_n)$. Cette famille est génératrice de $E$ (car $\mathcal{C}$ l’est déjà), mais elle n’est probablement pas libre.
  3. « Élaguer » la famille $\mathcal{F}$ en parcourant les vecteurs $e_i$ de gauche à droite. Pour chaque $e_i$, on vérifie s’il est une combinaison linéaire des vecteurs qui le précèdent dans la famille.
    • Si $e_i$ est une combinaison linéaire des précédents, on le retire.
    • Si $e_i$ n’est pas une combinaison linéaire des précédents, on le garde.
  4. Le processus s’arrête quand on a une famille libre de $n$ vecteurs. Cette nouvelle famille est une base de $E$ qui contient notre famille de départ $\mathcal{L}$.
Illustration du théorème de la base incomplète Espace E (dim 3) $u_1$ $u_2$ Plan engendré par $\mathcal{L}$ $e_1$ (lié, rejeté) $e_2$ (libre, gardé) Base finale : $(u_1, u_2, e_2)$

Exemple : Compléter une famille dans $\mathbb{R}^3$

Soit la famille libre $\mathcal{L} = (u_1)$ dans $\mathbb{R}^3$ avec $u_1 = (1, 2, 0)$. On veut la compléter en une base de $\mathbb{R}^3$.

1. Choisir une base de $\mathbb{R}^3$ :

On prend la base canonique $\mathcal{C} = (e_1, e_2, e_3)$ avec $e_1=(1,0,0)$, $e_2=(0,1,0)$, $e_3=(0,0,1)$.

2. Tester les vecteurs de $\mathcal{C}$ un par un :

On cherche à construire une famille libre de 3 vecteurs.

  • Testons $e_1$ : La famille $(u_1, e_1) = ((1,2,0), (1,0,0))$ est-elle libre ?
    Oui, car les deux vecteurs ne sont clairement pas colinéaires. On garde $e_1$. Notre famille est maintenant $\mathcal{L}’ = (u_1, e_1)$.
  • Testons $e_2$ : La famille $(u_1, e_1, e_2) = ((1,2,0), (1,0,0), (0,1,0))$ est-elle libre ?
    On cherche $\alpha, \beta, \gamma$ tels que $\alpha u_1 + \beta e_1 + \gamma e_2 = 0$.
    $\alpha(1,2,0) + \beta(1,0,0) + \gamma(0,1,0) = (0,0,0)$
    $(\alpha+\beta, 2\alpha+\gamma, 0) = (0,0,0)$.
    Ce système donne $2\alpha+\gamma=0$ et $\alpha+\beta=0$. On voit que $u_1 = (1,2,0)$ peut s’écrire $1 \cdot e_1 + 2 \cdot e_2$. Donc $u_1 – e_1 – 2e_2 = 0$. La famille est liée. On rejette $e_2$.
  • Testons $e_3$ : La famille $(u_1, e_1, e_3) = ((1,2,0), (1,0,0), (0,0,1))$ est-elle libre ?
    On cherche $\alpha, \beta, \gamma$ tels que $\alpha u_1 + \beta e_1 + \gamma e_3 = 0$.
    $\alpha(1,2,0) + \beta(1,0,0) + \gamma(0,0,1) = (0,0,0)$
    $(\alpha+\beta, 2\alpha, \gamma) = (0,0,0)$.
    Ce système implique immédiatement $\gamma=0$, $2\alpha=0 \implies \alpha=0$, et donc $\beta=0$. La seule solution est $\alpha=\beta=\gamma=0$. La famille est libre. On garde $e_3$.
Conclusion de l’Exemple

Nous avons construit la famille $\mathcal{B} = (u_1, e_1, e_3)$. C’est une famille libre de 3 vecteurs dans un espace de dimension 3 ($\mathbb{R}^3$).
C’est donc une base de $\mathbb{R}^3$ qui contient notre vecteur de départ $u_1$.