Après avoir étudié sa monotonie, une autre question essentielle sur le comportement d’une suite est de savoir si ses termes sont « bornés ». Une suite est dite majorée si ses termes ne dépassent jamais une certaine valeur « plafond ». Cette propriété est cruciale, notamment pour prouver la convergence d’une suite.
Une suite $(u_n)$ est dite majorée s’il existe un nombre réel $M$ tel que, pour tout entier naturel $n$ :
$u_n \le M$
Ce nombre $M$ est appelé un majorant de la suite. Il est important de noter qu’un majorant, s’il existe, n’est pas unique (tout nombre plus grand que $M$ est aussi un majorant).
Méthode 1 : Étude directe de l’expression de $u_n$
Parfois, une manipulation algébrique simple de l’expression de $u_n$ permet de faire apparaître un majorant de manière évidente.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie pour $n \in \mathbb{N}$ par $u_n = \frac{3n+5}{n+2}$.
L’idée est de faire apparaître le terme $(n+2)$ au numérateur.
$3n+5 = 3(n+2) – 6 + 5 = 3(n+2) – 1$.
Ainsi, $u_n = \frac{3(n+2) – 1}{n+2} = \frac{3(n+2)}{n+2} – \frac{1}{n+2} = 3 – \frac{1}{n+2}$.
Pour tout $n \in \mathbb{N}$, $n+2 > 0$, donc $\frac{1}{n+2} > 0$.
Par conséquent, $-\frac{1}{n+2} < 0$, et $u_n = 3 - \frac{1}{n+2} < 3$.
Conclusion : La suite $(u_n)$ est majorée par 3.
Méthode 2 : Étude de la fonction associée $u_n = f(n)$
Si la suite est définie par $u_n = f(n)$, trouver un majorant de la suite revient à trouver un majorant de la fonction $f$ sur l’intervalle $[0, +\infty[$. Le tableau de variations est alors notre meilleur outil.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie pour $n \in \mathbb{N}$ par $u_n = -n^2 + 6n + 1$.
On étudie la fonction $f(x) = -x^2 + 6x + 1$ sur $[0, +\infty[$.
$f'(x) = -2x + 6$.
$f'(x) = 0 \iff -2x+6=0 \iff x=3$.
La dérivée est positive avant 3 et négative après. La fonction $f$ atteint donc son maximum en $x=3$.
Le maximum de $f$ est $f(3) = -(3)^2 + 6(3) + 1 = -9 + 18 + 1 = 10$.
Puisque la fonction ne dépasse jamais 10, les termes de la suite ne le peuvent pas non plus.
Conclusion : La suite $(u_n)$ est majorée par 10.
Méthode 3 : Le raisonnement par récurrence
Pour les suites récurrentes ($u_{n+1} = f(u_n)$), c’est la méthode reine. On suppose que $u_n$ est majoré par $M$ et on démontre que $u_{n+1}$ l’est aussi, en s’appuyant sur les propriétés (souvent la monotonie) de la fonction $f$.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie par $u_0 = 1$ et $u_{n+1} = \sqrt{u_n + 6}$.
Montrons par récurrence que pour tout $n \in \mathbb{N}$, $u_n \le 3$.
Initialisation (n=0) :
$u_0 = 1$. On a bien $1 \le 3$. La propriété est vraie au rang 0.
Hérédité :
Supposons que pour un certain entier $k \ge 0$, on ait $u_k \le 3$ (Hypothèse de Récurrence).
Montrons que $u_{k+1} \le 3$.
On part de l’hypothèse : $u_k \le 3$.
On ajoute 6 de chaque côté : $u_k + 6 \le 9$.
La fonction racine carrée est croissante, donc on peut l’appliquer sans changer le sens de l’inégalité :
$\sqrt{u_k + 6} \le \sqrt{9}$.
C’est-à-dire, $u_{k+1} \le 3$. L’hérédité est prouvée.
Conclusion : Par le principe de récurrence, $u_n \le 3$ pour tout $n \in \mathbb{N}$. La suite $(u_n)$ est majorée par 3.
- Le plus petit des majorants : S’il existe, le plus petit des majorants est appelé la borne supérieure (ou supremum) de la suite. Dans l’exemple 1, 3 est la borne supérieure.
- Comment « deviner » le majorant ? Pour les suites récurrentes, on peut le conjecturer en calculant les premiers termes ou en cherchant les points fixes de la fonction $f$ (solutions de $f(x)=x$).
- Théorème de la convergence monotone : C’est ici que la notion de majorant prend tout son sens. Toute suite croissante et majorée est convergente. (De même, toute suite décroissante et minorée converge).