Comment vérifier qu’une matrice est orthogonale
Une matrice orthogonale est une matrice carrée qui représente une isométrie, c’est-à-dire une transformation qui conserve les longueurs et les angles (comme les rotations ou les réflexions). Elles sont fondamentales en géométrie, en infographie et en physique. Heureusement, il existe des critères très clairs pour les identifier.
Pour une matrice carrée $M$, les affirmations suivantes sont équivalentes. Si l’une est vraie, toutes le sont, et $M$ est orthogonale.
- Le test ultime : L’inverse de la matrice est sa transposée.
$M^T M = I$ (ou, de manière équivalente, $M M^T = I$). C’est le calcul le plus direct. - Le test des colonnes : Les vecteurs colonnes de $M$ forment une base orthonormale. Cela signifie que chaque colonne a une norme de 1, et que les colonnes sont deux à deux orthogonales (leur produit scalaire est 0).
- Le test des lignes : Les vecteurs lignes de $M$ forment une base orthonormale.
Exemple 1 : Une matrice de rotation 2×2
Soit la matrice $R = \begin{pmatrix} \cos\theta & -\sin\theta \\ \sin\theta & \cos\theta \end{pmatrix}$.
Méthode 1 : Vérifier que les colonnes forment une base orthonormale.
Soit $C_1 = (\cos\theta, \sin\theta)$ et $C_2 = (-\sin\theta, \cos\theta)$.
– Normes : $\|C_1\|^2 = \cos^2\theta + \sin^2\theta = 1$ et $\|C_2\|^2 = (-\sin\theta)^2 + \cos^2\theta = 1$. Les colonnes sont bien de norme 1.
– Orthogonalité : $\langle C_1, C_2 \rangle = \cos\theta(-\sin\theta) + \sin\theta(\cos\theta) = 0$. Les colonnes sont orthogonales.
Les colonnes formant une base orthonormale, la matrice $R$ est orthogonale.
Méthode 2 : Calculer $R^T R$.
$R^T R = \begin{pmatrix} \cos\theta & \sin\theta \\ -\sin\theta & \cos\theta \end{pmatrix} \begin{pmatrix} \cos\theta & -\sin\theta \\ \sin\theta & \cos\theta \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} \cos^2\theta+\sin^2\theta & -\cos\theta\sin\theta+\sin\theta\cos\theta \\ -\sin\theta\cos\theta+\cos\theta\sin\theta & \sin^2\theta+\cos^2\theta \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix} = I$.
Le calcul confirme que $R$ est bien orthogonale.
Exemple 2 : Une matrice 3×3
La matrice $A = \frac{1}{3}\begin{pmatrix} 1 & -2 & 2 \\ 2 & -1 & -2 \\ 2 & 2 & 1 \end{pmatrix}$ est-elle orthogonale ?
Vérifions si les colonnes $C_1, C_2, C_3$ forment une base orthonormale.
Normes :
$\|C_1\|^2 = (\frac{1}{3})^2(1^2+2^2+2^2) = \frac{1}{9}(9) = 1$.
$\|C_2\|^2 = (\frac{1}{3})^2((-2)^2+(-1)^2+2^2) = \frac{1}{9}(9) = 1$.
$\|C_3\|^2 = (\frac{1}{3})^2(2^2+(-2)^2+1^2) = \frac{1}{9}(9) = 1$.
Orthogonalité :
$\langle C_1, C_2 \rangle = (\frac{1}{3})^2(1(-2)+2(-1)+2(2)) = \frac{1}{9}(-2-2+4) = 0$.
$\langle C_1, C_3 \rangle = (\frac{1}{3})^2(1(2)+2(-2)+2(1)) = \frac{1}{9}(2-4+2) = 0$.
$\langle C_2, C_3 \rangle = (\frac{1}{3})^2(-2(2)+(-1)(-2)+2(1)) = \frac{1}{9}(-4+2+2) = 0$.
Les colonnes forment une base orthonormale, donc $A$ est orthogonale.
Exemple 3 : Un contre-exemple (le piège de la norme)
Soit la matrice $B = \begin{pmatrix} 1 & -1 \\ 1 & 1 \end{pmatrix}$.
Vérifions ses colonnes $C_1=(1,1)$ et $C_2=(-1,1)$.
Orthogonalité : $\langle C_1, C_2 \rangle = 1(-1)+1(1) = 0$. Les colonnes sont bien orthogonales.
Normes : $\|C_1\|^2 = 1^2+1^2=2 \neq 1$.
Les colonnes sont orthogonales mais pas de norme 1. La condition « orthonormale » n’est pas remplie.
Conclusion : $B$ n’est pas une matrice orthogonale.
- Déterminant : Le déterminant d’une matrice orthogonale est toujours +1 ou -1. Si c’est +1, c’est une rotation (isométrie directe). Si c’est -1, c’est une réflexion ou une composition de rotations et réflexions (isométrie indirecte).
- Conservation du produit scalaire : Pour tous vecteurs $u, v$, on a $\langle Mu, Mv \rangle = \langle u, v \rangle$. C’est la raison pour laquelle les angles et les longueurs sont préservés.
- Stabilité : Les calculs avec des matrices orthogonales sont numériquement très stables, car elles n’amplifient pas les erreurs d’arrondi.