Déterminer le rang et la signature d’une forme quadratique
Après avoir réduit une forme quadratique en une somme de carrés, on peut en extraire deux informations capitales qui ne dépendent pas de la méthode de réduction choisie : le rang et la signature. Ces deux nombres classifient entièrement la forme quadratique.
La méthode est directe une fois la réduction de Gauss effectuée.
- Réduire la forme quadratique $q$ en une somme de carrés de formes linéaires indépendantes :
$q(X) = c_1(L_1(X))^2 + c_2(L_2(X))^2 + \dots + c_r(L_r(X))^2$. - Compter les coefficients positifs : Soit $s$ le nombre de coefficients $c_i$ qui sont strictement positifs.
- Compter les coefficients négatifs : Soit $t$ le nombre de coefficients $c_i$ qui sont strictement négatifs.
- Calculer le rang : Le rang est le nombre total de carrés. C’est simplement $r = s + t$. Si $r < n$ (le nombre de variables), la forme est dite dégénérée.
- Donner la signature : La signature est le couple $(s, t)$.
Le Théorème d’inertie de Sylvester garantit que les nombres $s$ et $t$ (et donc le rang $r$) sont uniques, quelle que soit la décomposition en carrés que vous avez trouvée.
Exemple 1 : Forme non-dégénérée
Reprenons la forme quadratique $q(x, y, z) = x^2 + 5y^2 + 2z^2 + 4xy – 2xz + 8yz$.
Une de ses réductions de Gauss est :
$q(x, y, z) = \underbrace{(x + 2y – z)^2}_{c_1=1} + \underbrace{(y+6z)^2}_{c_2=1} \underbrace{- 35z^2}_{c_3=-35}$.
- Nombre de carrés positifs ($s$) : 2 (coefficients 1 et 1).
- Nombre de carrés négatifs ($t$) : 1 (coefficient -35).
- Rang : $r = s + t = 2 + 1 = 3$.
- Signature : $(s, t) = (2, 1)$.
Comme le rang (3) est égal au nombre de variables (3), la forme est non-dégénérée.
Exemple 2 : Autre forme non-dégénérée
Soit la forme $q(x, y, z) = 2xy + 4xz – 6yz$.
Sa réduction était :
$q(x, y, z) = \underbrace{\frac{1}{4}(x+2y+z)^2}_{c_1=1/4} \underbrace{- \frac{1}{4}(x-2y-7z)^2}_{c_2=-1/4} + \underbrace{12z^2}_{c_3=12}$.
- Nombre de carrés positifs ($s$) : 2 (coefficients 1/4 et 12).
- Nombre de carrés négatifs ($t$) : 1 (coefficient -1/4).
- Rang : $r = s + t = 2 + 1 = 3$.
- Signature : $(s, t) = (2, 1)$.
Exemple 3 : Forme quadratique dégénérée
Soit $q(x, y, z) = x^2 + y^2 + 4z^2 + 2xy – 4xz – 4yz$.
1. Réduction de Gauss :
$q(x, y, z) = (x^2 + 2xy – 4xz) + y^2 + 4z^2 – 4yz$
$q(x, y, z) = (x+y-2z)^2 – (y-2z)^2 + y^2 + 4z^2 – 4yz$
$q(x, y, z) = (x+y-2z)^2 – (y^2 – 4yz + 4z^2) + y^2 + 4z^2 – 4yz$
$q(x, y, z) = (x+y-2z)^2 – y^2 + 4yz – 4z^2 + y^2 + 4z^2 – 4yz$
$q(x, y, z) = \underbrace{(x+y-2z)^2}_{c_1=1}$.
2. Détermination :
- Nombre de carrés positifs ($s$) : 1.
- Nombre de carrés négatifs ($t$) : 0.
- Rang : $r = s + t = 1 + 0 = 1$.
- Signature : $(s, t) = (1, 0)$.
Ici, le rang (1) est inférieur au nombre de variables (3). La forme est donc dégénérée.
La signature permet de classifier la nature de la forme quadratique (sur $\mathbb{R}$) :
- Si $t=0$ (signature $(n,0)$), la forme est définie positive (ex: $x^2+y^2$). Elle est toujours positive, et ne s’annule qu’en 0.
- Si $s=0$ (signature $(0,n)$), la forme est définie négative (ex: $-x^2-y^2$). Elle est toujours négative.
- Si $s>0$ et $t>0$, la forme n’a pas de signe constant (elle peut être positive ou négative). C’est le cas de nos deux premiers exemples.
- Le rang est aussi le rang de la matrice associée à la forme quadratique dans n’importe quelle base.