Exercices Corrigés : Formes Multilinéaires et Déterminants
Exercice 1

Soit $M$ la matrice de $\mathcal{M}_n(\mathbb{C})$ définie par $m_{ij}$ valant $a$ si $i=j$, $b$ si $ij$. Calculer $\det(M)$.

Solution 1

On distingue deux cas principaux.

Cas 1 : $b \neq c$
On utilise une astuce consistant à introduire un polynôme. Soit $J$ la matrice dont tous les coefficients sont 1. On définit $P(x) = \det(M-xJ)$. On peut montrer que $P(x)$ est un polynôme de degré au plus 1 en $x$, donc de la forme $P(x) = \alpha x + \beta$. Le déterminant recherché est $\det(M) = P(0) = \beta$.
Pour trouver $\alpha$ et $\beta$, on évalue $P(x)$ en des points qui simplifient le calcul :

  • Pour $x=b$, la matrice $M-bJ$ est triangulaire inférieure avec des $(a-b)$ sur la diagonale. Son déterminant est donc $P(b) = (a-b)^n$.
  • Pour $x=c$, la matrice $M-cJ$ est triangulaire supérieure avec des $(a-c)$ sur la diagonale. Son déterminant est donc $P(c) = (a-c)^n$.
On résout le système : $\begin{cases} \alpha b + \beta = (a-b)^n \\ \alpha c + \beta = (a-c)^n \end{cases}$.
La solution pour $\beta$ est $\det(M) = \frac{b(a-c)^n – c(a-b)^n}{b-c}$.

Cas 2 : $b = c$
Dans ce cas, la matrice $M$ est symétrique et peut s’écrire $M = (a-b)I + bJ$. Les valeurs propres d’une telle matrice sont faciles à calculer. Les valeurs propres de $J$ sont $n$ (une fois) et $0$ ($n-1$ fois). Les valeurs propres de $M$ sont donc $(a-b)+bn = a+(n-1)b$ (une fois) et $a-b$ ($n-1$ fois).
Le déterminant est le produit des valeurs propres :
$\det(M) = (a+(n-1)b)(a-b)^{n-1}$.

Exercice 2

Soit $M = \begin{pmatrix} A & B \\ C & D \end{pmatrix}$ une matrice par blocs avec $A, B, C, D \in \mathcal{M}_n(\mathbb{C})$.

1. Si $D$ est inversible et $DC=CD$, montrer que $\det(M) = \det(AD-BC)$.

2. Montrer que si $A, B \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R})$, alors $\det \begin{pmatrix} A & -B \\ B & A \end{pmatrix} \ge 0$.

Solution 2

1. On multiplie $M$ par la matrice triangulaire par blocs $\begin{pmatrix} I & 0 \\ -D^{-1}C & I \end{pmatrix}$. Le déterminant de cette matrice est 1. Le produit est $\begin{pmatrix} A-BD^{-1}C & B \\ 0 & D \end{pmatrix}$. Son déterminant est $\det(A-BD^{-1}C)\det(D) = \det((A-BD^{-1}C)D) = \det(AD-BD^{-1}CD)$. Comme $CD=DC$, on a $\det(AD-BC)$.

2. On considère la matrice comme une matrice à coefficients complexes. On a $\det \begin{pmatrix} A & -B \\ B & A \end{pmatrix} = \det(A-iB)\det(A+iB)$. Comme les matrices sont réelles, $\det(A-iB) = \overline{\det(A+iB)}$. Le déterminant est donc de la forme $z\bar{z}=|z|^2$, qui est un réel positif ou nul.

Exercice 3

Soit $A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})$. Déterminer le rang de la comatrice de $A$, $com(A)$, en fonction du rang de $A$.

Solution 3

On utilise la relation $A \cdot {}^t(com(A)) = \det(A)I_n$.

  • Si $rg(A)=n$, $A$ est inversible, $\det(A) \neq 0$. Alors ${}^t(com(A))$ est aussi inversible, donc $rg(com(A))=n$.
  • Si $rg(A) \le n-2$, tous les mineurs d’ordre $n-1$ sont nuls, donc $com(A)=0$ et $rg(com(A))=0$.
  • Si $rg(A)=n-1$, $\det(A)=0$ donc $A \cdot {}^t(com(A)) = 0$. L’image de ${}^t(com(A))$ est incluse dans le noyau de $A$. Comme $rg(A)=n-1$, $\dim(Ker(A))=1$. Donc $rg({}^t(com(A))) \le 1$. Comme $rg(A)=n-1$, il existe au moins un mineur d’ordre $n-1$ non nul, donc $com(A) \neq 0$. Finalement, $rg(com(A)) = rg({}^t(com(A))) = 1$.
Exercice 4

Soit $\Delta_n$ le déterminant de la matrice tridiagonale d’ordre $n$ avec $a+b$ sur la diagonale, $a$ sur la sur-diagonale et $b$ sur la sous-diagonale. Montrer que $\Delta_n = \frac{a^{n+1}-b^{n+1}}{a-b}$ si $a \neq b$.

Solution 4

En développant par rapport à la première ligne, on trouve une relation de récurrence : $\Delta_n = (a+b)\Delta_{n-1} – ab\Delta_{n-2}$. C’est une suite récurrente linéaire d’ordre 2. L’équation caractéristique est $r^2 – (a+b)r + ab = 0$, dont les racines sont $a$ et $b$. La solution générale est $\Delta_n = \lambda a^n + \mu b^n$. Avec les conditions initiales $\Delta_1=a+b$ et $\Delta_2=a^2+ab+b^2$, on détermine $\lambda$ et $\mu$ pour trouver la formule demandée.

Exercice 5

Soit $a \in \mathbb{R}$ et $\Delta_n$ le déterminant de la matrice d’ordre $n$ avec $a$ sur la diagonale, $k$ sur la $k$-ième ligne et dernière colonne (pour $k

Solution 5

En développant par rapport à la première ligne, on obtient une relation de récurrence : $\Delta_n = a\Delta_{n-1} – (n-1)^2 a^{n-2}$. En déroulant la récurrence, on arrive à la formule demandée. Une preuve formelle par récurrence sur $n$ confirme le résultat.

Exercice 6

Soient $a_1, \dots, a_n$ des scalaires distincts et $P_1, \dots, P_{n-1}$ des polynômes unitaires avec $\deg(P_k)=k$. Montrer que le déterminant de la matrice $(P_{j-1}(a_i))_{1 \le i,j \le n}$ (avec $P_0=1$) est égal au déterminant de Vandermonde $V(a_1, \dots, a_n)$.

Solution 6

La colonne $C_j$ de la matrice est $(P_{j-1}(a_1), \dots, P_{j-1}(a_n))^T$. Comme $P_{j-1}$ est unitaire de degré $j-1$, on peut l’écrire $P_{j-1}(X) = X^{j-1} + \sum_{k=0}^{j-2} c_k X^k$. La colonne $C_j$ est donc la colonne des $a_i^{j-1}$ plus une combinaison linéaire des colonnes précédentes. Par des opérations élémentaires sur les colonnes ($C_j \leftarrow C_j – \sum c_k C_{k+1}$), on peut transformer la matrice en la matrice de Vandermonde standard sans changer la valeur du déterminant.

Exercice 7

Soit $P \in \mathbb{K}[X]$ de degré $n-1$ et $A$ la matrice de $\mathcal{M}_n(\mathbb{K})$ définie par $a_{ij}=P(i+j)$. Calculer $\det(A)$.

Solution 7

En utilisant la formule de Taylor pour les polynômes, $P(i+j) = \sum_{k=0}^{n-1} \frac{P^{(k)}(i)}{k!} j^k$. Cette égalité montre que la matrice $A$ est le produit de deux matrices $B$ et $C$ avec $b_{ik} = \frac{P^{(k-1)}(i)}{(k-1)!}$ et $c_{kj}=j^{k-1}$. Le déterminant de $A$ est le produit des déterminants de $B$ et $C$. On reconnaît des déterminants de type Vandermonde (ou généralisé). Le calcul final montre que le déterminant est nul si $\deg(P) < n-1$ et vaut $(-1)^{\frac{(n-1)(n-2)}{2}} (a_{n-1})^n ((n-1)!)^n$ si $\deg(P)=n-1$ avec $a_{n-1}$ le coefficient dominant.

Exercice 8

Soient $a, b, c, d$ quatre vecteurs de $\mathbb{R}^3$. Montrer que :
$\det(d,b,c)a + \det(a,d,c)b + \det(a,b,d)c = \det(a,b,c)d$.

Solution 8

L’espace $\mathbb{R}^3$ étant de dimension 3, la famille de quatre vecteurs $(a,b,c,d)$ est liée. Il existe donc des scalaires non tous nuls $\alpha, \beta, \gamma, \delta$ tels que $\alpha a + \beta b + \gamma c + \delta d = 0$. En appliquant la forme trilinéaire alternée $\det(\cdot, b, c)$ à cette égalité, on obtient $\alpha \det(a,b,c) + \delta \det(d,b,c) = 0$. On obtient des relations similaires avec $\det(a, \cdot, c)$ et $\det(a,b, \cdot)$. On peut en déduire que les coefficients de la relation à démontrer sont proportionnels à $(\delta, -\gamma, \beta, -\alpha)$, ce qui établit l’égalité.

Exercice 9

Soit $A$ la matrice d’ordre $n$ avec $x_i$ sur la diagonale, $a$ sur la sur-diagonale et $b$ sur la sous-diagonale (et des 0 ailleurs). Calculer $\det(A)$.

Solution 9

On peut montrer que le polynôme $P(X) = \det(A-XI)$ est de degré au plus 1. On calcule $P(a)$ et $P(b)$ en remarquant que les matrices $A-aI$ et $A-bI$ sont triangulaires. On trouve $\det(A-aI) = \prod (x_i-a)$ et $\det(A-bI) = \prod (x_i-b)$. En résolvant un système linéaire simple, on trouve l’expression de $P(X)$ et on l’évalue en $X=0$ pour obtenir $\det(A) = \frac{b \prod (x_i-a) – a \prod (x_i-b)}{b-a}$ si $a \neq b$. Si $a=b$, on trouve $\det(A) = \prod(x_i-a) – a \frac{d}{dX}(\prod(x_i-X))|_{X=a}$.

Exercice 10

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension $n$ et $f$ un endomorphisme. Montrer que pour toute famille de vecteurs $(v_1, \dots, v_n)$, on a : $\sum_{i=1}^n \det(v_1, \dots, f(v_i), \dots, v_n) = tr(f) \det(v_1, \dots, v_n)$.

Solution 10

Si la famille $(v_i)$ est liée, les deux membres de l’égalité sont nuls. Supposons que c’est une base $\beta=(v_i)$. Soit $A=(a_{ij})$ la matrice de $f$ dans cette base. Le terme $\det(v_1, \dots, f(v_i), \dots, v_n)$ est le déterminant de la matrice obtenue en remplaçant la $i$-ème colonne de l’identité par la $i$-ème colonne de $A$. En développant ce déterminant par rapport à la $i$-ème colonne, on trouve qu’il est égal à $a_{ii}$. La somme des déterminants est donc $\sum a_{ii} = tr(A) = tr(f)$. L’égalité devient $tr(f) = tr(f) \times 1$, ce qui est vrai.