Exercices Corrigés : Applications Linéaires
Exercice 1

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie $n$. Soient $F_1, F_2, \dots, F_k$ des sous-espaces vectoriels de $E$ avec $k \ge 2$. Démontrer que si $\sum_{j=1}^{k} \dim(F_j) > n(k-1)$, alors $\bigcap_{j=1}^{k} F_j \neq \{0\}$.

Solution 1

Considérons l’application linéaire $f: E \to E/F_1 \times \dots \times E/F_k$ définie par $f(x) = (\bar{x}_1, \dots, \bar{x}_k)$, où $\bar{x}_i$ est la classe de $x$ dans $E/F_i$. Le noyau de $f$ est précisément $\bigcap_{i=1}^k F_i$. Pour montrer que ce noyau n’est pas réduit à $\{0\}$, il suffit de montrer que $f$ n’est pas injective. D’après le théorème du rang, cela revient à montrer que $\dim(E) > \dim(\text{Im}(f))$.

La dimension de l’espace d’arrivée est $\sum_{i=1}^k \dim(E/F_i) = \sum_{i=1}^k (n – \dim(F_i)) = nk – \sum_{i=1}^k \dim(F_i)$.

L’hypothèse $\sum_{j=1}^{k} \dim(F_j) > n(k-1)$ est équivalente à $n > nk – \sum_{j=1}^{k} \dim(F_j)$. On a donc $\dim(E) > \dim(E/F_1 \times \dots \times E/F_k)$. Comme l’image de $f$ est un sous-espace de l’espace d’arrivée, sa dimension est forcément inférieure ou égale. On a donc $\dim(E) > \dim(\text{Im}(f))$, ce qui prouve que $f$ n’est pas injective et que son noyau n’est pas nul.

Exercice 2

Montrer que pour tout polynôme $Q \in \mathbb{K}_n[X]$ (avec $\mathbb{K}=\mathbb{R}$ ou $\mathbb{C}$), il existe un unique polynôme $P \in \mathbb{K}_n[X]$ tel que $Q = P + P’ + \dots + P^{(n)}$.

Solution 2

Considérons l’application $f: \mathbb{K}_n[X] \to \mathbb{K}_n[X]$ définie par $f(P) = P + P’ + \dots + P^{(n)}$. Cette application est un endomorphisme. Déterminons son noyau. Si $f(P)=0$, et si $P$ n’est pas nul, soit $k$ son degré. Alors $P+P’+\dots+P^{(k)}$ est un polynôme de degré $k$ dont le terme dominant est celui de $P$. Il ne peut donc pas être nul. Le seul polynôme $P$ tel que $f(P)=0$ est le polynôme nul. Donc $Ker(f)=\{0\}$.

Puisque $f$ est un endomorphisme d’un espace de dimension finie et que son noyau est nul, $f$ est un isomorphisme. Il est donc bijectif. Par conséquent, pour tout $Q \in \mathbb{K}_n[X]$, il existe un unique antécédent $P \in \mathbb{K}_n[X]$ tel que $f(P)=Q$.

Exercice 3

On considère $\mathbb{C}$ comme un $\mathbb{R}$-espace vectoriel.

a) Donner une base de $\mathbb{C}$.

b) Montrer que pour tout endomorphisme $f$ de $\mathbb{C}$, il existe $(a,b) \in \mathbb{C}^2$ tel que $\forall z \in \mathbb{C}, f(z) = az + b\bar{z}$.

c) Donner une condition nécessaire et suffisante sur $a$ et $b$ pour que $f$ soit un automorphisme.

Solution 3

a) La base canonique de $\mathbb{C}$ comme $\mathbb{R}$-espace vectoriel est $(1, i)$.

b) Soit $z = x+iy$. Par $\mathbb{R}$-linéarité, $f(z) = f(x \cdot 1 + y \cdot i) = xf(1) + yf(i)$. Posons $a = \frac{f(1)+if(i)}{2}$ et $b = \frac{f(1)-if(i)}{2}$. On a $f(1)=a+b$ et $f(i)=-i(a-b)$. En substituant $x = \frac{z+\bar{z}}{2}$ et $y=\frac{z-\bar{z}}{2i}$, on obtient après calcul : $f(z) = az+b\bar{z}$.

c) $f$ est un automorphisme si et seulement si elle est injective, c’est-à-dire $Ker(f)=\{0\}$. Soit $z \in Ker(f)$, on a $az+b\bar{z}=0$. En conjuguant, on a $\bar{a}\bar{z}+\bar{b}z=0$. C’est un système linéaire en $z$ et $\bar{z}$. Il a une solution non nulle si et seulement si son déterminant est nul, soit $|a|^2 – |b|^2 = 0$. Donc, $f$ est un automorphisme si et seulement si $|a| \neq |b|$.

Exercice 4

Soit $E$ un $\mathbb{R}$-espace vectoriel et $u$ un endomorphisme de $E$ tel que $u^2 = -Id_E$. Pour $\lambda = \alpha + i\beta \in \mathbb{C}$ et $x \in E$, on pose $\lambda \cdot x = \alpha x + \beta u(x)$.

a) Montrer que cela définit une structure de $\mathbb{C}$-espace vectoriel sur $E$.

b) Montrer que si $E$ est de dimension finie sur $\mathbb{R}$, alors sa dimension est paire.

Solution 4

a) La vérification des axiomes est calculatoire. L’axiome clé est l’associativité. Soient $\lambda=\alpha+i\beta$ et $\mu=\gamma+i\delta$. On a $\lambda\mu = (\alpha\gamma-\beta\delta)+i(\alpha\delta+\beta\gamma)$.
$(\lambda\mu)\cdot x = (\alpha\gamma-\beta\delta)x + (\alpha\delta+\beta\gamma)u(x)$.
$\lambda\cdot(\mu\cdot x) = \lambda\cdot(\gamma x + \delta u(x)) = \alpha(\gamma x + \delta u(x)) + \beta u(\gamma x + \delta u(x)) = (\alpha\gamma-\beta\delta)x + (\alpha\delta+\beta\gamma)u(x)$, en utilisant $u^2=-Id_E$. Les autres axiomes se vérifient de même.

b) Soit $(e_1, \dots, e_n)$ une base de $E$ en tant que $\mathbb{C}$-espace vectoriel. Montrons que la famille $(e_1, \dots, e_n, u(e_1), \dots, u(e_n))$ est une base de $E$ en tant que $\mathbb{R}$-espace vectoriel. Tout $x \in E$ s’écrit $x = \sum \lambda_j e_j = \sum (\alpha_j + i\beta_j)e_j = \sum \alpha_j e_j + \beta_j u(e_j)$, donc la famille est génératrice. On montre qu’elle est libre sur $\mathbb{R}$. La dimension sur $\mathbb{R}$ est donc $2n$, qui est un nombre pair.

Exercice 5

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie et $u$ un endomorphisme tel que $u^2=-Id_E$. Pour $x \neq 0$, on pose $E_x = Vect(\{x, u(x)\})$.

1. Déterminer $\dim(E_x)$.

2. Montrer qu’il existe $x_1, \dots, x_m \in E$ tels que $E = E_{x_1} \oplus \dots \oplus E_{x_m}$.

3. En déduire que la dimension de $E$ est paire.

Solution 5

1. La famille $(x, u(x))$ est libre. En effet, si $\alpha x + \beta u(x) = 0$, en appliquant $u$ on obtient $\alpha u(x) – \beta x = 0$. En combinant les deux équations, on trouve $(\alpha^2+\beta^2)x=0$. Comme $x \neq 0$, on a $\alpha^2+\beta^2=0$, ce qui implique $\alpha=\beta=0$ si $K=\mathbb{R}$. Donc $\dim(E_x)=2$.

2. On construit la somme directe par récurrence. On choisit $x_1 \neq 0$. Si $E_{x_1} \neq E$, on choisit $x_2 \notin E_{x_1}$. $E_{x_1}$ est stable par $u$. On peut montrer que $E_{x_1} \cap E_{x_2} = \{0\}$. On continue le processus jusqu’à ce que la somme directe engendre $E$. Comme $E$ est de dimension finie, le processus s’arrête.

3. Puisque $E$ est une somme directe de sous-espaces qui sont tous de dimension 2, la dimension de $E$ est la somme des dimensions de ces sous-espaces, soit $2m$. La dimension de $E$ est donc paire.

Exercice 6

Soit $E$ le sous-espace de $\mathbb{C}[x,y]$ des polynômes de degré au plus 2 en $x$ et au plus 2 en $y$. Soit $u(P) = \frac{\partial^2 P}{\partial x \partial y}$. Montrer que $u$ est un endomorphisme de $E$ et déterminer les dimensions de $Ker(u)$ et $Im(u)$.

Solution 6

Une base de $E$ est $\{x^i y^j\}_{0 \le i,j \le 2}$, donc $\dim(E)=9$. L’application $u$ est linéaire car la dérivation est linéaire. Elle envoie un polynôme de $E$ sur un polynôme de $E$ (le degré diminue), c’est donc un endomorphisme.

Le noyau $Ker(u)$ est l’ensemble des polynômes $P$ tels que $\frac{\partial^2 P}{\partial x \partial y}=0$. Cela signifie que $P$ peut s’écrire comme une somme d’un polynôme en $x$ seul et d’un polynôme en $y$ seul : $P(x,y) = Q(x) + R(y)$. Les polynômes de cette forme dans $E$ sont de la forme $(a_0+a_1x+a_2x^2) + (b_1y+b_2y^2)$. Une base de $Ker(u)$ est $\{1, x, x^2, y, y^2\}$. Donc $\dim(Ker(u))=5$.

Par le théorème du rang, $\dim(Im(u)) = \dim(E) – \dim(Ker(u)) = 9-5=4$.

Exercice 7

Soient $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie, et $F, G$ deux sous-espaces de $E$.

1. À quelle condition nécessaire et suffisante existe-t-il un endomorphisme $u$ de $E$ tel que $Ker(u)=F$ et $Im(u)=G$ ?

2. Si cette condition est remplie, montrer que l’ensemble $\mathcal{G}=\{u \in L(E) : Im(u)=G, Ker(u)=F\}$ muni de la composition est un groupe.

Solution 7

1. D’après le théorème du rang, une condition nécessaire est $\dim(E) = \dim(F) + \dim(G)$. Cette condition est aussi suffisante. En effet, si elle est vérifiée, on peut choisir un supplémentaire $S$ de $F$ dans $E$. On a $\dim(S) = \dim(E)-\dim(F) = \dim(G)$. Il existe donc un isomorphisme $v: S \to G$. On définit $u$ sur $E=F \oplus S$ par $u(x_F+x_S) = v(x_S)$. On vérifie que $Ker(u)=F$ et $Im(u)=G$.

2. Si la condition $\dim(E)=\dim(F)+\dim(G)$ est remplie, cela implique que $E=F \oplus G$. L’ensemble $\mathcal{G}$ n’est pas vide. On peut montrer que si $u, v \in \mathcal{G}$, alors $u \circ v \in \mathcal{G}$ et que l’inverse d’un élément de $\mathcal{G}$ est aussi dans $\mathcal{G}$. La projection sur $G$ parallèlement à $F$ est l’élément neutre. $\mathcal{G}$ est donc un sous-groupe de $GL(E)$.

Exercice 8

Soient $u, v$ deux endomorphismes d’un espace $E$ de dimension finie. Montrer que :

1. $\dim(Ker(u+v)) \le \dim(Ker(u) \cap Ker(v)) + \dim(Im(u) \cap Im(v))$.

2. $\dim(Ker(u \circ v)) \le \dim(Ker(u)) + \dim(Ker(v))$.

Solution 8

1. Soit $w$ la restriction de $u$ à $Ker(u+v)$. On a $Ker(w) = Ker(u) \cap Ker(u+v) = Ker(u) \cap Ker(v)$. Pour $x \in Ker(u+v)$, $u(x)=-v(x)$, donc $Im(w) \subseteq Im(u) \cap Im(v)$. Le théorème du rang appliqué à $w$ donne $\dim(Ker(u+v)) = \dim(Ker(w)) + \dim(Im(w))$, d’où l’inégalité.

2. Soit $w$ la restriction de $v$ à $Ker(u \circ v)$. On a $Im(w) \subseteq Ker(u)$. Le théorème du rang appliqué à $w$ donne $\dim(Ker(u \circ v)) = \dim(Ker(w)) + \dim(Im(w))$. Or, $Ker(w) = Ker(v) \cap Ker(u \circ v) = Ker(v)$. Donc $\dim(Ker(u \circ v)) = \dim(Ker(v)) + \dim(Im(w))$. Comme $Im(w) \subseteq Ker(u)$, on a $\dim(Im(w)) \le \dim(Ker(u))$, d’où l’inégalité.

Exercice 9

Soient $u, v$ deux endomorphismes non nuls de $E$ tels que $u^2=v^2=0$ et $Ker(u) \cap Ker(v) = \{0\}$. Montrer que $E = Ker(u) \oplus Ker(v)$.

Solution 9

Considérons l’endomorphisme $u+v$. Soit $x \in Ker(u+v)$, alors $u(x)=-v(x)$. En appliquant $u$, on obtient $u^2(x) = -u(v(x))$, soit $0 = -u(v(x))$. Donc $v(x) \in Ker(u)$. Mais comme $v^2=0$, on a aussi $v(x) \in Im(v) \subseteq Ker(v)$. Donc $v(x) \in Ker(u) \cap Ker(v) = \{0\}$, d’où $v(x)=0$. Par suite, $u(x)=0$ aussi. Donc $x \in Ker(u) \cap Ker(v) = \{0\}$. Ainsi $Ker(u+v)=\{0\}$, et $u+v$ est un automorphisme.

Comme $u+v$ est surjectif, pour tout $x \in E$, il existe $y \in E$ tel que $x=(u+v)(y) = u(y)+v(y)$. Puisque $u^2=0$, $u(y) \in Im(u) \subseteq Ker(u)$. De même, $v(y) \in Ker(v)$. Donc $E = Ker(u)+Ker(v)$. Comme leur intersection est nulle, la somme est directe.

Exercice 10

Soient $E, F, G$ des K-espaces vectoriels, $f: E \to F$ et $g: F \to G$ deux applications linéaires. Montrer que $f(Ker(g \circ f)) = Im(f) \cap Ker(g)$.

Solution 10

Soit $y \in f(Ker(g \circ f))$. Il existe $x \in Ker(g \circ f)$ tel que $y=f(x)$. Par définition, $y \in Im(f)$. De plus, $g(y) = g(f(x)) = (g \circ f)(x) = 0$, donc $y \in Ker(g)$. Ainsi, $y \in Im(f) \cap Ker(g)$.

Réciproquement, soit $y \in Im(f) \cap Ker(g)$. Comme $y \in Im(f)$, il existe $x \in E$ tel que $y=f(x)$. Comme $y \in Ker(g)$, on a $g(y)=0$, soit $g(f(x))=0$. Donc $x \in Ker(g \circ f)$. Par conséquent, $y=f(x)$ est bien dans l’image de $Ker(g \circ f)$ par $f$.