La Décomposition en Carrés de Gauss : Exemples Pratiques
La décomposition en carrés de Gauss est un algorithme qui permet de réécrire n’importe quelle forme quadratique comme une combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes. C’est une méthode systématique pour simplifier une forme quadratique et en extraire des informations essentielles comme son rang et sa signature.
La méthode est itérative. Pour une forme quadratique $q(x_1, \dots, x_n)$ :
- Cas 1 : Il existe un terme au carré (ex: $ax_1^2$).
On regroupe tous les termes contenant $x_1$ et on utilise une identité remarquable pour « compléter le carré ». On obtient une expression de la forme $q(X) = a(L_1(X))^2 + q'(X’)$, où $L_1$ est une forme linéaire et $q’$ est une nouvelle forme quadratique qui ne dépend plus de $x_1$. On recommence alors le processus sur $q’$. - Cas 2 : Il n’y a aucun terme au carré (ex: $ax_1x_2 + …$).
On choisit un terme rectangle, par exemple $ax_1x_2$. On utilise l’identité $ab = \frac{1}{4}((a+b)^2 – (a-b)^2)$ pour faire apparaître des carrés. Par exemple, $x_1x_2 = \frac{1}{4}((x_1+x_2)^2 – (x_1-x_2)^2)$. Cela nous ramène au Cas 1.
On répète le processus jusqu’à avoir éliminé toutes les variables.
Exemple 1 : Un cas standard
Soit la forme quadratique $q(x, y, z) = x^2 + 6xy + 8y^2 + 2xz + 4yz + z^2$.
1. On s’occupe de $x$ (Cas 1) :
On regroupe les termes en $x$ : $(x^2 + 6xy + 2xz) + 8y^2 + 4yz + z^2$.
Ceci est le début du carré de $(x + 3y + z)$. On a $(x + 3y + z)^2 = x^2 + 9y^2 + z^2 + 6xy + 2xz + 6yz$.
On substitue : $q(X) = [(x + 3y + z)^2 – 9y^2 – z^2 – 6yz] + 8y^2 + 4yz + z^2$.
$q(X) = (x + 3y + z)^2 – y^2 – 2yz$.
2. On recommence sur $q'(y, z) = -y^2 – 2yz$ :
$q'(y,z) = -(y^2 + 2yz) = -[(y+z)^2 – z^2] = -(y+z)^2 + z^2$.
3. Résultat final :
$q(x, y, z) = (x + 3y + z)^2 – (y+z)^2 + z^2$.
La signature est (2, 1) et le rang est 3.
Exemple 2 : Le cas sans termes carrés
Soit la forme quadratique $q(x, y, z) = xy + yz$.
Il n’y a aucun terme en $x^2, y^2$ ou $z^2$. On se place dans le Cas 2.
On peut regrouper les termes en $y$ : $q(x,y,z) = y(x+z)$.
1. On utilise l’identité $AB = \frac{1}{4}((A+B)^2 – (A-B)^2)$ :
Posons $A=y$ et $B=x+z$.
$A+B = x+y+z$.
$A-B = y-x-z$.
2. Résultat final :
$q(x, y, z) = \frac{1}{4}(x+y+z)^2 – \frac{1}{4}(y-x-z)^2$.
La signature est (1, 1) et le rang est 2.
Exemple 3 : Un cas plus symétrique
Soit $q(x,y,z) = x^2 + y^2 + z^2 – 2xy – 2xz – 2yz$.
1. On s’occupe de $x$ (Cas 1) :
$(x^2 – 2xy – 2xz) + y^2 + z^2 – 2yz$.
On voit le début de $(x-y-z)^2 = x^2+y^2+z^2-2xy-2xz+2yz$.
On substitue : $q(X) = [(x-y-z)^2 -y^2 -z^2 -2yz] + y^2 + z^2 – 2yz$.
$q(X) = (x-y-z)^2 – 4yz$.
2. On recommence sur $q'(y, z) = -4yz$ (Cas 2) :
$q'(y,z) = -4 \left[ \frac{1}{4}((y+z)^2 – (y-z)^2) \right] = -(y+z)^2 + (y-z)^2$.
3. Résultat final :
$q(x, y, z) = (x-y-z)^2 – (y+z)^2 + (y-z)^2$.
La signature est (2, 1) et le rang est 3.
La décomposition $q(X) = \sum \alpha_i L_i(X)^2$ est la clé pour comprendre la « géométrie » de la forme quadratique.
- Le Rang : C’est le nombre de carrés non nuls dans la décomposition.
- La Signature : C’est le couple $(s,t)$ où $s$ est le nombre de coefficients $\alpha_i$ positifs et $t$ le nombre de coefficients négatifs.
- Théorème d’Inertie de Sylvester : Le rang et la signature ne dépendent pas de la manière dont la décomposition est effectuée. Ce sont des invariants de la forme quadratique.