Le test ultime pour savoir si une matrice est diagonalisable

Le test ultime pour savoir si une matrice est diagonalisable

Une matrice carrée $A$ est dite diagonalisable si elle est semblable à une matrice diagonale $D$. C’est-à-dire s’il existe une matrice inversible $P$ (appelée matrice de passage) telle que $A = PDP^{-1}$. L’intérêt est immense : les calculs avec une matrice diagonale (puissances, exponentielles) sont beaucoup plus simples.

Le Test en Deux Conditions

Une matrice $A$ de taille $n \times n$ est diagonalisable sur un corps $K$ (par exemple $\mathbb{R}$ ou $\mathbb{C}$) si et seulement si les deux conditions suivantes sont remplies :

  1. Le polynôme caractéristique de $A$ est scindé sur $K$. Cela signifie que toutes ses racines (les valeurs propres) sont dans $K$. En pratique, pour des matrices à coefficients réels, cela veut dire qu’il n’y a pas de valeurs propres complexes.
  2. Pour chaque valeur propre $\lambda$ de $A$, sa multiplicité algébrique est égale à sa multiplicité géométrique.
  • Multiplicité algébrique : C’est le nombre de fois que $\lambda$ apparaît comme racine du polynôme caractéristique.
  • Multiplicité géométrique : C’est la dimension du sous-espace propre $E_\lambda$ associé à $\lambda$.

Exemple 1 : Matrice 2×2 avec valeurs propres distinctes

Soit $A = \begin{pmatrix} 4 & -2 \\ 1 & 1 \end{pmatrix}$. Ses valeurs propres sont $\lambda_1 = 2$ et $\lambda_2 = 3$.

  • Condition 1 (Polynôme scindé) : Le polynôme caractéristique est $(\lambda-2)(\lambda-3)$. Ses racines 2 et 3 sont réelles. La condition est vérifiée.
  • Condition 2 (Multiplicités) :
    • Pour $\lambda_1 = 2$ : la multiplicité algébrique est 1. La multiplicité géométrique est forcément 1 (elle est toujours $\ge 1$). Donc, égalité.
    • Pour $\lambda_2 = 3$ : la multiplicité algébrique est 1. La multiplicité géométrique est donc 1. Égalité.

Les deux conditions sont vérifiées. La matrice A est diagonalisable.

Règle d’or

Une matrice de taille $n \times n$ qui possède $n$ valeurs propres distinctes est toujours diagonalisable. C’est le cas le plus simple et le plus courant.

Exemple 2 : Matrice 3×3 diagonalisable

Soit $B = \begin{pmatrix} 2 & 1 & 1 \\ 1 & 2 & 1 \\ 1 & 1 & 2 \end{pmatrix}$. Ses valeurs propres sont $\lambda_1 = 4$ (multiplicité algébrique 1) et $\lambda_2 = 1$ (multiplicité algébrique 2).

  • Condition 1 (Polynôme scindé) : Les racines 4 et 1 sont réelles. La condition est vérifiée.
  • Condition 2 (Multiplicités) :
    • Pour $\lambda_1 = 4$ : mult. alg. = 1 $\implies$ mult. géo. = 1. Égalité.
    • Pour $\lambda_2 = 1$ : mult. alg. = 2. Nous avons calculé que le sous-espace propre $E_1$ est le plan d’équation $x+y+z=0$, qui est de dimension 2. Donc mult. géo. = 2. Égalité.

Les deux conditions sont vérifiées. La matrice B est diagonalisable.

Exemple 3 : Matrice non diagonalisable

Soit $C = \begin{pmatrix} 5 & 2 & 0 \\ 0 & 5 & 1 \\ 0 & 0 & -3 \end{pmatrix}$. Ses valeurs propres sont $\lambda_1 = 5$ (multiplicité algébrique 2) et $\lambda_2 = -3$ (multiplicité algébrique 1).

  • Condition 1 (Polynôme scindé) : Les racines 5 et -3 sont réelles. La condition est vérifiée.
  • Condition 2 (Multiplicités) :
    • Pour $\lambda_2 = -3$ : mult. alg. = 1 $\implies$ mult. géo. = 1. Égalité.
    • Pour $\lambda_1 = 5$ : mult. alg. = 2. Nous avons calculé que le sous-espace propre $E_5$ est la droite engendrée par $\begin{pmatrix} 1 \\ 0 \\ 0 \end{pmatrix}$, qui est de dimension 1. Donc mult. géo. = 1.

Ici, pour $\lambda_1 = 5$, nous avons mult. alg. (2) $\neq$ mult. géo. (1). La deuxième condition n’est pas remplie.

La matrice C n’est donc pas diagonalisable.