Le concept de suites adjacentes est un outil fondamental en analyse réelle. Il permet de démontrer la convergence de deux suites simultanément et de caractériser leur limite commune. L’idée visuelle est celle de deux suites qui se « rapprochent » l’une de l’autre jusqu’à se rejoindre à l’infini.
Soient $(u_n)$ et $(v_n)$ deux suites de nombres réels.
On dit que les suites $(u_n)$ et $(v_n)$ sont adjacentes si elles vérifient les trois conditions suivantes :
- L’une est croissante, l’autre est décroissante.
- Pour tout entier naturel $n$, on a $u_n \le v_n$.
- La limite de leur différence est nulle : $\lim_{n \to \infty} (v_n – u_n) = 0$.
Si deux suites $(u_n)$ et $(v_n)$ sont adjacentes, alors elles sont convergentes et elles convergent vers la même limite $L$.
De plus, pour tout entier naturel $n$, on a l’encadrement :
$u_n \le L \le v_n$
Cet encadrement est particulièrement utile pour obtenir une approximation de la limite $L$ avec une précision contrôlée par l’écart $(v_n – u_n)$.
La Méthode en 3 Étapes
Pour démontrer que deux suites sont adjacentes, il suffit de vérifier les trois points de la définition de manière rigoureuse.
- Étape 1 : Étudier la monotonie. On étudie le signe de $u_{n+1} – u_n$ et de $v_{n+1} – v_n$ pour prouver que l’une est croissante et l’autre décroissante.
- Étape 2 : Vérifier l’inégalité. On s’assure que $u_n \le v_n$ pour tout $n$. Souvent, il suffit de vérifier que $v_n – u_n \ge 0$.
- Étape 3 : Calculer la limite de la différence. On montre que $\lim_{n \to \infty} (v_n – u_n) = 0$.
Exemple Classique : Approximation du nombre $e$
Soient les suites $(u_n)$ et $(v_n)$ définies pour $n \ge 1$ par : $$ u_n = \sum_{k=0}^{n} \frac{1}{k!} \quad \text{et} \quad v_n = u_n + \frac{1}{n \cdot n!} $$ Montrons qu’elles sont adjacentes. (Leur limite commune est le nombre $e$).
Étape 1 (Monotonie) :
- Pour $(u_n)$ : $u_{n+1} – u_n = \sum_{k=0}^{n+1} \frac{1}{k!} – \sum_{k=0}^{n} \frac{1}{k!} = \frac{1}{(n+1)!}$. Comme $(n+1)! > 0$, on a $u_{n+1} – u_n > 0$. Donc, $(u_n)$ est strictement croissante.
- Pour $(v_n)$ : $v_{n+1} – v_n = (u_{n+1} – u_n) + \frac{1}{(n+1)(n+1)!} – \frac{1}{n \cdot n!}$.
$v_{n+1} – v_n = \frac{1}{(n+1)!} + \frac{1}{(n+1)(n+1)!} – \frac{1}{n \cdot n!} = \frac{n+1+1}{(n+1)(n+1)!} – \frac{n+1}{n(n+1)!} = \frac{n(n+2) – (n+1)^2}{n(n+1)(n+1)!} = \frac{-1}{n(n+1)(n+1)!}$.
Cette quantité est strictement négative. Donc, $(v_n)$ est strictement décroissante.
Étape 2 (Inégalité) :
On calcule $v_n – u_n = \frac{1}{n \cdot n!}$. Pour $n \ge 1$, cette quantité est positive, donc $v_n – u_n > 0$, ce qui implique $u_n < v_n$. L'inégalité est bien vérifiée.
Étape 3 (Limite de la différence) :
On calcule $\lim_{n \to \infty} (v_n – u_n) = \lim_{n \to \infty} \frac{1}{n \cdot n!}$.
Comme $\lim_{n \to \infty} n \cdot n! = +\infty$, on a $\lim_{n \to \infty} \frac{1}{n \cdot n!} = 0$.
Conclusion :
Les trois conditions sont remplies. Les suites $(u_n)$ et $(v_n)$ sont donc adjacentes. Par le théorème fondamental, elles convergent vers la même limite $L = e$.