Une progression arithmétique est une suite de nombres de la forme $a, a+n, a+2n, a+3n, \dots$, où $a$ est le premier terme et $n$ est la raison.
Le théorème d’Euclide nous apprend qu’il existe une infinité de nombres premiers. Une question naturelle est de savoir si ces nombres premiers sont « bien répartis ». Plus précisément, une progression arithmétique peut-elle contenir une infinité de nombres premiers ?
Il est clair que si $a$ et $n$ ont un diviseur commun $d > 1$, alors tous les termes de la suite $a+kn$ seront divisibles par $d$. La suite ne pourra donc contenir au mieux qu’un seul nombre premier (si $a=d$ et $a$ est premier). La condition nécessaire pour qu’une progression arithmétique contienne potentiellement une infinité de nombres premiers est donc que $a$ et $n$ soient premiers entre eux ($pgcd(a,n)=1$). Le théorème de Dirichlet affirme que cette condition est également suffisante.
Soient $a$ and $n$ deux entiers naturels non nuls et premiers entre eux. Alors, la progression arithmétique $a, a+n, a+2n, \dots$ contient une infinité de nombres premiers.
Esquisse de la Démonstration
La démonstration originale de Dirichlet est l’un des actes fondateurs de la théorie analytique des nombres. Elle est non-élémentaire et repose sur des outils d’analyse, en particulier l’analyse complexe, pour prouver un résultat d’arithmétique.
- Caractères de Dirichlet : L’idée de génie de Dirichlet est d’utiliser des fonctions appelées caractères de Dirichlet modulo n. Ce sont des fonctions $\chi: \mathbb{Z} \to \mathbb{C}$ qui sont périodiques de période $n$, complètement multiplicatives, et qui valent 0 si leur argument n’est pas premier avec $n$. Elles permettent d’isoler les nombres premiers appartenant à une classe de congruence donnée.
- Séries L de Dirichlet : À chaque caractère $\chi$, on associe une série, appelée série L de Dirichlet, définie pour un nombre complexe $s$ par : $$ L(s, \chi) = \sum_{k=1}^\infty \frac{\chi(k)}{k^s} $$ Ces séries sont des généralisations de la fonction zêta de Riemann.
- Produit Eulérien : Comme la fonction zêta, chaque série L peut être écrite comme un produit infini sur les nombres premiers (produit eulérien). Cette relation fait le lien entre la série et les nombres premiers.
- Le Point Crucial : La partie la plus difficile de la démonstration consiste à prouver que pour tout caractère $\chi$ non trivial (c’est-à-dire qui n’est pas constamment égal à 1), la série $L(s, \chi)$ ne s’annule pas en $s=1$. C’est le fameux théorème $L(1, \chi) \neq 0$.
- Conclusion : En combinant astucieusement les logarithmes des différentes séries L, Dirichlet montre que la somme $\sum_{p \equiv a \pmod n} \frac{1}{p^s}$ tend vers l’infini lorsque $s$ tend vers 1 par valeurs supérieures. Si la somme sur les nombres premiers de la progression arithmétique diverge, c’est qu’il doit y en avoir une infinité.
Implications et Exemples
- Exemple 1 : Il existe une infinité de nombres premiers de la forme $4k+1$ (ex: 5, 13, 17, 29…).
- Exemple 2 : Il existe une infinité de nombres premiers de la forme $4k+3$ (ex: 3, 7, 11, 19…).
- Exemple 3 : Il existe une infinité de nombres premiers se terminant par le chiffre 7 (ce sont les nombres premiers de la forme $10k+7$).
- Équirépartition : Le théorème a été considérablement renforcé par le théorème de la progression arithmétique de De La Vallée Poussin, qui stipule que les nombres premiers sont « équirépartis » entre les différentes progressions arithmétiques possibles pour un même module $n$. Par exemple, il y a asymptotiquement autant de nombres premiers de la forme $4k+1$ que de la forme $4k+3$.