Ce théorème est une généralisation puissante du théorème de la courbe de Jordan.
- Le théorème de Jordan (en 2D) affirme qu’une simple boucle fermée dans un plan (un « cercle déformé ») le divise en exactement deux régions : un « intérieur » borné et un « extérieur » non borné.
- La question naturelle est : est-ce que cela reste vrai dans des dimensions supérieures ? Par exemple, une surface fermée dans l’espace 3D (une « sphère déformée ») sépare-t-elle l’espace en un intérieur et un extérieur ?
- Le théorème de Jordan-Brouwer répond « oui » à cette question pour n’importe quelle dimension. L’objet qui sépare l’espace $\mathbb{R}^n$ est une « hypersurface » qui a la même topologie que la sphère de dimension $n-1$, notée $S^{n-1}$.
Soit $H$ un sous-ensemble de l’espace euclidien $\mathbb{R}^n$ qui est homéomorphe à la sphère $S^{n-1}$.
Alors le complémentaire de $H$ dans $\mathbb{R}^n$, noté $\mathbb{R}^n \setminus H$, est formé d’exactement deux composantes connexes par arcs :
- L’une est bornée (c’est l’intérieur).
- L’autre est non bornée (c’est l’extérieur).
De plus, $H$ est la frontière commune de ces deux composantes.
Idée de la Démonstration (par la Topologie Algébrique)
Bien que l’énoncé soit très intuitif, sa démonstration est l’un des premiers grands succès de la topologie algébrique et est loin d’être simple.
L’idée est d’étudier le complémentaire $\mathbb{R}^n \setminus H$ en utilisant des invariants algébriques, comme les groupes d’homologie.
- On calcule le groupe d’homologie $H_0(\mathbb{R}^n \setminus H)$. Le rang de ce groupe est égal au nombre de composantes connexes par arcs de l’espace.
- En utilisant des outils puissants comme la suite exacte de Mayer-Vietoris, on parvient à montrer que le rang de ce groupe est exactement 2.
- Cela prouve qu’il y a bien deux composantes connexes. Des arguments supplémentaires permettent de montrer que l’une est bornée et l’autre non.
Importance et Subtilités
- Confirmation d’une intuition fondamentale : Ce théorème donne une base rigoureuse à notre intuition la plus élémentaire de ce que signifie « séparer » l’espace.
- La sphère cornue d’Alexander : Le théorème ne dit rien sur la « gentillesse » de l’extérieur. En dimension 3, il existe des objets (comme la sphère cornue d’Alexander) qui sont homéomorphes à une sphère, mais dont la composante extérieure est « tordue » et non simplement connexe. Cela montre que la situation est beaucoup plus complexe qu’en dimension 2, où le théorème de Jordan-Schönflies garantit que l’intérieur et l’extérieur sont de « gentilles » déformations d’un disque.