Théorème de la Convergence Monotone

Version 1 : Théorème de la Convergence Monotone pour les Suites Réelles

Contexte : Suites Monotones

Une suite de nombres réels $(u_n)$ est dite monotone si elle est soit croissante ($u_{n+1} \ge u_n$ pour tout $n$), soit décroissante ($u_{n+1} \le u_n$ pour tout $n$). Elle est dite bornée si l’ensemble de ses valeurs est contenu dans un intervalle fini.

Ce théorème, parfois appelé « théorème de la limite monotone », est une propriété fondamentale de l’ensemble des nombres réels, liée à sa complétude.

Théorème de la Convergence Monotone (pour les suites)

Toute suite de nombres réels qui est monotone et bornée est convergente. Plus précisément :

  • Toute suite croissante et majorée converge vers sa borne supérieure.
  • Toute suite décroissante et minorée converge vers sa borne inférieure.

Démonstration (cas d’une suite croissante)

  1. Existence de la borne supérieure : Soit $(u_n)$ une suite croissante et majorée. L’ensemble des valeurs de la suite, $A = \{u_n \mid n \in \mathbb{N}\}$, est une partie non vide et majorée de $\mathbb{R}$. D’après l’axiome de la borne supérieure, $A$ admet une borne supérieure, notée $l = \sup(A)$.
  2. Convergence vers la borne supérieure : Montrons que la suite converge vers $l$. Soit $\epsilon > 0$. Par la caractérisation de la borne supérieure, $l-\epsilon$ n’est pas un majorant de $A$. Il existe donc un terme de la suite, disons $u_N$, tel que $l-\epsilon < u_N \le l$.
  3. Puisque la suite est croissante, pour tout entier $n \ge N$, on a $u_N \le u_n$. De plus, comme $l$ est un majorant de $A$, on a $u_n \le l$ pour tout $n$.
  4. En combinant ces inégalités, on obtient que pour tout $n \ge N$ : $$ l-\epsilon < u_N \le u_n \le l $$ Cela implique que $|u_n - l| < \epsilon$ pour tout $n \ge N$. Par définition, la suite $(u_n)$ converge vers $l$.

Version 2 : Théorème de la Convergence Monotone pour les Intégrales (Théorème de Beppo Levi)

Contexte : Théorie de l’Intégration de Lebesgue

Ce théorème est l’un des trois résultats fondamentaux (avec le lemme de Fatou et le théorème de convergence dominée) qui permettent d’intervertir les symboles de limite et d’intégrale. Il s’applique à des suites de fonctions mesurables à valeurs positives.

Théorème de la Convergence Monotone (pour les intégrales)

Soit $(X, \mathcal{A}, \mu)$ un espace mesuré. Soit $(f_n)_{n \in \mathbb{N}}$ une suite de fonctions mesurables de $X$ dans $[0, +\infty]$ qui est croissante (c’est-à-dire $f_n(x) \le f_{n+1}(x)$ pour tout $n$ et presque tout $x$).

Soit $f$ la fonction limite ponctuelle de la suite, définie par $f(x) = \lim_{n \to \infty} f_n(x)$. Alors $f$ est mesurable et : $$ \int_X f \, d\mu = \lim_{n \to \infty} \int_X f_n \, d\mu $$

Autrement dit, pour une suite croissante de fonctions positives, l’intégrale de la limite est la limite des intégrales.

Esquisse de la Démonstration

  1. Existence de la limite des intégrales : La suite des intégrales $(\int_X f_n \, d\mu)_n$ est une suite croissante de nombres réels positifs, donc elle admet une limite (finie ou infinie).
  2. Première inégalité : Comme $f_n \le f$ pour tout $n$, la monotonie de l’intégrale de Lebesgue implique que $\int_X f_n \, d\mu \le \int_X f \, d\mu$. En passant à la limite, on obtient $\lim_{n \to \infty} \int_X f_n \, d\mu \le \int_X f \, d\mu$.
  3. Seconde inégalité (plus difficile) : C’est le cœur de la preuve. On utilise la définition de l’intégrale de Lebesgue comme la borne supérieure des intégrales de fonctions étagées (simples) qui minorent la fonction. On montre que pour toute fonction étagée $\phi \le f$ et tout $\alpha \in ]0,1[$, on a $\int_X \alpha \phi \, d\mu \le \lim_{n \to \infty} \int_X f_n \, d\mu$. En faisant tendre $\alpha$ vers 1 puis en prenant la borne supérieure sur toutes les fonctions étagées $\phi$, on obtient l’inégalité inverse $\int_X f \, d\mu \le \lim_{n \to \infty} \int_X f_n \, d\mu$.