Ce théorème établit un lien profond entre l’analyse locale d’un champ de vecteurs et la topologie globale de la surface sur laquelle il est défini.
- Un champ de vecteurs sur une surface est une fonction qui associe à chaque point de la surface un vecteur tangent à la surface en ce point. On peut l’imaginer comme la direction du vent à chaque point d’un globe, ou le courant de l’eau à la surface d’un lac.
- Un zéro (ou point singulier) d’un champ de vecteurs est un point où le vecteur est nul. C’est un endroit où le vent s’arrête, où le courant est stagnant.
- L’indice d’un zéro isolé est un nombre entier qui décrit comment le champ de vecteurs « tourne » autour de ce point. Un indice de +1 correspond à une source ou un puits, un indice de -1 à un point-selle (col).
Soit $M$ une surface (variété) compacte, orientable, et soit $v$ un champ de vecteurs sur $M$ n’ayant qu’un nombre fini de zéros.
Alors la somme des indices de tous les zéros du champ de vecteurs est égale à la caractéristique d’Euler de la surface : $$ \sum_{p_i \text{ est un zéro}} \text{Indice}_v(p_i) = \chi(M) $$
Philosophie du Théorème
Le résultat est extraordinaire car le membre de gauche (la somme des indices) dépend du champ de vecteurs choisi, tandis que le membre de droite (la caractéristique d’Euler) ne dépend que de la forme topologique de la surface.
Cela signifie que peu importe comment vous dessinez un champ de vecteurs sur une surface, la somme des indices de ses zéros sera toujours la même ! Si vous modifiez le champ de vecteurs, les zéros peuvent se déplacer, fusionner ou se diviser, mais la somme totale de leurs indices restera constante, contrainte par la topologie de la surface.
La démonstration est complexe, mais elle repose sur l’idée de relier l’indice (un concept local) au degré de l’application de Gauss (un concept global), qui est lui-même lié à la caractéristique d’Euler par le théorème de Gauss-Bonnet.
Conséquence Célèbre : Le Théorème de la Boule Chevelue
- Le problème du coiffeur : Le théorème de Poincaré-Hopf implique le fameux « théorème de la boule chevelue » : il est impossible de peigner les cheveux d’une boule chevelue de manière lisse et continue sans créer au moins un épi (une singularité).
- Démonstration : Un champ de cheveux peignés est un champ de vecteurs tangents à la sphère. La sphère a une caractéristique d’Euler $\chi(S^2) = 2$. D’après le théorème de Poincaré-Hopf, la somme des indices des zéros de n’importe quel champ de vecteurs sur la sphère doit être égale à 2.
- Puisque la somme n’est pas nulle, il doit y avoir au moins un zéro. Un « zéro » dans ce contexte est un point où le cheveu n’a pas de direction définie : c’est un épi.
- Sur un tore (un donut), la caractéristique d’Euler est $\chi(\mathbb{T}^2) = 0$. Il est donc possible de le « peigner » sans aucun épi.