Considérons un système de $m$ équations linéaires à $n$ inconnues, qui peut s’écrire sous forme matricielle : $$ AX = B $$
- $A$ est la matrice des coefficients, de taille $m \times n$.
- $X$ est le vecteur colonne des $n$ inconnues.
- $B$ est le vecteur colonne des termes constants.
- La matrice augmentée, notée $[A|B]$, est la matrice $A$ à laquelle on a ajouté le vecteur $B$ comme $(n+1)$-ième colonne.
- Le rang d’une matrice est le nombre maximal de ses colonnes (ou lignes) linéairement indépendantes.
Le théorème de Rouché-Fontené relie l’existence de solutions à la comparaison des rangs de la matrice des coefficients et de la matrice augmentée.
Un système d’équations linéaires $AX=B$ admet au moins une solution si et seulement si le rang de la matrice des coefficients $A$ est égal au rang de la matrice augmentée $[A|B]$. $$ \text{Le système est consistant} \iff rg(A) = rg([A|B]) $$
De plus, si le système admet des solutions :
- Si le rang commun est égal au nombre d’inconnues ($rg(A) = n$), la solution est unique.
- Si le rang commun est strictement inférieur au nombre d’inconnues ($rg(A) < n$), il existe une infinité de solutions. L’ensemble des solutions est un espace affine de dimension $n – rg(A)$.
Démonstration Détaillée
La démonstration repose sur l’interprétation du système en termes de combinaisons linéaires des vecteurs colonnes de la matrice $A$.
Soient $C_1, C_2, \dots, C_n$ les vecteurs colonnes de $A$. L’équation matricielle $AX=B$ est équivalente à l’équation vectorielle : $$ x_1 C_1 + x_2 C_2 + \dots + x_n C_n = B $$ Cette équation signifie que le système admet une solution si et seulement si le vecteur $B$ est une combinaison linéaire des vecteurs colonnes de $A$.
Partie 1 : ($\implies$) Si le système a une solution, alors les rangs sont égaux.
Si le système a une solution, alors $B$ est une combinaison linéaire des colonnes de $A$. Cela signifie que $B$ appartient à l’espace vectoriel engendré par les colonnes de $A$, noté $Vect(C_1, \dots, C_n)$.
Le rang de $A$ est la dimension de cet espace : $rg(A) = \dim(Vect(C_1, \dots, C_n))$.
Le rang de la matrice augmentée $[A|B]$ est la dimension de l’espace $Vect(C_1, \dots, C_n, B)$.
Puisque $B$ est déjà dans l’espace engendré par les $C_i$, l’ajouter à la famille génératrice ne change pas la dimension de l’espace engendré. On a donc : $$ \dim(Vect(C_1, \dots, C_n, B)) = \dim(Vect(C_1, \dots, C_n)) $$ Ce qui prouve que $rg([A|B]) = rg(A)$.
Partie 2 : ($\impliedby$) Si les rangs sont égaux, alors le système a une solution.
Supposons que $rg(A) = rg([A|B])$. Cela signifie que la dimension de l’espace engendré par les colonnes de $A$ est la même que la dimension de l’espace engendré par les colonnes de $A$ et le vecteur $B$.
Comme la famille $(C_1, \dots, C_n)$ est incluse dans la famille $(C_1, \dots, C_n, B)$, on a toujours $Vect(C_1, \dots, C_n) \subseteq Vect(C_1, \dots, C_n, B)$.
Puisque ces deux sous-espaces ont la même dimension, ils doivent être égaux. Par conséquent, le vecteur $B$ doit appartenir à l’espace engendré par les colonnes de $A$. Il existe donc des scalaires $x_1, \dots, x_n$ tels que $x_1 C_1 + \dots + x_n C_n = B$, ce qui signifie que le système admet au moins une solution.
Implications et Utilisation
Ce théorème fournit un algorithme complet pour analyser n’importe quel système d’équations linéaires :
- Construire la matrice augmentée $[A|B]$.
- Utiliser l’algorithme du pivot de Gauss pour la transformer en une forme échelonnée.
- Compter le nombre de pivots (le rang) de la partie correspondant à $A$ et de la matrice entière.
- Comparer les rangs pour déterminer si une solution existe, et comparer le rang commun au nombre d’inconnues pour déterminer si la solution est unique ou s’il y en a une infinité.