En théorie des nombres, on s’intéresse à la distribution des nombres premiers. Pour cela, on définit la fonction de comptage des nombres premiers, notée $\pi(x)$, qui donne le nombre de nombres premiers inférieurs ou égaux au réel $x$.
- $\pi(10) = 4$ (les nombres premiers sont 2, 3, 5, 7).
- $\pi(20) = 8$ (les nombres premiers sont 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19).
La question fondamentale est de trouver une approximation simple de la fonction $\pi(x)$ lorsque $x$ devient très grand.
Lorsque $x$ tend vers l’infini, la fonction $\pi(x)$ est asymptotiquement équivalente à $\frac{x}{\ln(x)}$.
Formellement, cela signifie que le rapport entre les deux fonctions tend vers 1 : $$ \lim_{x \to \infty} \frac{\pi(x)}{x / \ln(x)} = 1 $$
Esquisse de la Démonstration
La démonstration de ce théorème est l’un des grands succès de l’analyse du XIXe siècle. Elle est très complexe et repose sur des outils avancés d’analyse complexe. Voici les grandes lignes de l’approche historique :
- Conjecture : Le comportement asymptotique de $\pi(x)$ a été conjecturé indépendamment par Gauss et Legendre à la fin du XVIIIe siècle, sur la base d’observations numériques.
- La Fonction Zêta de Riemann : Le pas de géant a été franchi par Bernhard Riemann, qui a relié la distribution des nombres premiers aux propriétés de la fonction zêta, définie pour un nombre complexe $s$ par $\zeta(s) = \sum_{n=1}^\infty \frac{1}{n^s}$. Il a montré que les zéros non triviaux de cette fonction (les valeurs de $s$ pour lesquelles $\zeta(s)=0$) gouvernent précisément les fluctuations de $\pi(x)$.
- Lien avec l’Analyse Complexe : La preuve du théorème des nombres premiers s’est alors ramenée à prouver que la fonction zêta n’a aucun zéro sur la droite verticale du plan complexe où la partie réelle est 1 (la droite $Re(s)=1$).
- Preuve finale : En 1896, Jacques Hadamard et Charles-Jean de la Vallée Poussin ont prouvé indépendamment ce résultat sur les zéros de la fonction zêta, en utilisant des techniques avancées d’analyse complexe, ce qui a finalement établi le théorème des nombres premiers.
Implications et Raffinements
- Interprétation Probabiliste : Le théorème peut être interprété de manière probabiliste : la probabilité qu’un entier $n$ choisi au hasard soit premier est d’environ $\frac{1}{\ln(n)}$. Cela explique pourquoi les nombres premiers deviennent de plus en plus rares à mesure que l’on avance sur la droite des réels.
- Meilleures Approximations : La fonction $\frac{x}{\ln(x)}$ n’est que la première approximation. Une bien meilleure estimation de $\pi(x)$ est donnée par la fonction d’intégrale logarithmique, notée $Li(x) = \int_2^x \frac{dt}{\ln t}$.
- Lien avec l’Hypothèse de Riemann : L’un des problèmes les plus importants des mathématiques, l’Hypothèse de Riemann, concerne la localisation précise des zéros non triviaux de la fonction zêta. Si cette hypothèse était prouvée, elle fournirait la meilleure estimation possible de l’erreur entre $\pi(x)$ et $Li(x)$, décrivant ainsi les fluctuations fines de la distribution des nombres premiers avec une précision extraordinaire.