Soit $E$ un $\mathbb{R}$-espace vectoriel de dimension finie $n$, $f$ une forme bilinéaire symétrique sur $E$ de rang $r$, et $(e_1, \dots, e_n)$ une base orthogonale pour $f$.
Soit $p$ le nombre de vecteurs de base $e_i$ pour lesquels $f(e_i, e_i) > 0$, et $q$ le nombre de ceux pour lesquels $f(e_i, e_i) < 0$. Le couple $(p,q)$ est un invariant de la forme $f$ : il ne dépend pas de la base orthogonale choisie. De plus, on a la relation $p+q=r$.
Ce couple $(p,q)$, invariant fondamental, est appelé la signature de la forme bilinéaire $f$.
Démonstration
Soit $(v_1, \dots, v_n)$ une autre base orthogonale de $E$. Notons $p’$ et $q’$ les nombres de vecteurs de base $v_i$ pour lesquels $f(v_i, v_i)$ est respectivement positif et négatif.
Le rang d’une forme bilinéaire est le nombre de coefficients non nuls sur la diagonale de sa matrice dans n’importe quelle base orthogonale. Par conséquent, on a bien $p+q = r$ et $p’+q’=r$. Il nous reste à montrer que $p=p’$.
Pour cela, réordonnons les bases de sorte que les $p$ premiers vecteurs de $(e_i)$ correspondent aux valeurs positives, et de même pour les $p’$ premiers vecteurs de $(v_i)$. Considérons la famille de vecteurs $S = (e_1, \dots, e_p, v_{p’+1}, \dots, v_n)$. Cette famille contient $p + (n-p’)$ vecteurs. Montrons qu’elle est libre.
Soit une combinaison linéaire nulle : $\sum_{i=1}^p \alpha_i e_i + \sum_{j=p’+1}^n \beta_j v_j = 0$. On peut écrire ce vecteur de deux manières : $x = \sum_{i=1}^p \alpha_i e_i = – \sum_{j=p’+1}^n \beta_j v_j$.
Calculons $f(x,x)$. D’une part, $f(x,x) = f(\sum \alpha_i e_i, \sum \alpha_k e_k) = \sum \alpha_i^2 f(e_i, e_i) \ge 0$. D’autre part, $f(x,x) = f(-\sum \beta_j v_j, -\sum \beta_k v_k) = \sum \beta_j^2 f(v_j, v_j) \le 0$ (car pour $j > p’$, les $f(v_j,v_j)$ sont négatifs ou nuls).
La seule possibilité est que $f(x,x)=0$. Comme les $f(e_i,e_i)$ sont strictement positifs pour $i \le p$, l’égalité $\sum \alpha_i^2 f(e_i, e_i) = 0$ implique que tous les $\alpha_i$ sont nuls. Le vecteur $x$ est donc nul. Par conséquent, $\sum \beta_j v_j = 0$. La famille $(v_j)_{j > p’}$ étant libre (car c’est une sous-famille d’une base), tous les $\beta_j$ sont nuls.
La famille $S$ est donc libre. Son cardinal est inférieur ou égal à la dimension de l’espace : $p + (n-p’) \le n$, ce qui implique $p \le p’$. Par un raisonnement symétrique en échangeant les rôles des deux bases, on montre que $p’ \le p$. On conclut donc que $p=p’$, et par suite $q=q’$.
Remarque
La signature d’une forme quadratique $q$ est définie comme étant la signature de sa forme polaire associée. En pratique, pour déterminer la signature, on applique la méthode de Gauss pour décomposer $q$ en une somme de carrés de formes linéaires indépendantes : $q(x) = \sum_{i=1}^r \lambda_i l_i(x)^2$. Le rang $r$ est le nombre de termes non nuls. La signature $(p,q)$ est alors donnée par le nombre de coefficients $\lambda_i$ strictement positifs ($p$) et strictement négatifs ($q$).
Exemple
Soit $q(x,y,z) = ax^2 – 3y^2 – z^2 – 2xy + 4xz + 4yz$ sur $\mathbb{R}^3$.
Appliquons la méthode de Gauss en regroupant les termes en $z$ (car son coefficient $-1$ est non nul) : $$ q(x,y,z) = -(z^2 – 4xz – 4yz) + ax^2 – 3y^2 – 2xy $$ $$ = -(z – 2x – 2y)^2 + (2x+2y)^2 + ax^2 – 3y^2 – 2xy $$ $$ = -(z – 2x – 2y)^2 + (a+4)x^2 + y^2 + 6xy $$ On continue avec les termes restants : $$ = -(z – 2x – 2y)^2 + (y+3x)^2 – 9x^2 + (a+4)x^2 $$ $$ = (y+3x)^2 – (z-2x-2y)^2 + (a-5)x^2 $$ La décomposition dépend du signe de $a-5$ :
- Si $a > 5$, on a 3 carrés, 2 positifs et 1 négatif. Le rang est 3, la signature est (2,1).
- Si $a < 5$, on a 3 carrés, 1 positif et 2 négatifs. Le rang est 3, la signature est (1,2).
- Si $a = 5$, on a 2 carrés, 1 positif et 1 négatif. Le rang est 2, la signature est (1,1).