Théorème Fondamental de la Théorie de Galois
Contexte : Extensions de Galois et Correspondance

Soit $L/K$ une extension de Galois, c’est-à-dire une extension finie, normale et séparable.

  • Le groupe de Galois de l’extension, noté $Gal(L/K)$, est le groupe de tous les automorphismes de $L$ qui laissent le corps de base $K$ invariant.
  • Un corps intermédiaire est un corps $F$ tel que $K \subseteq F \subseteq L$.
  • À chaque sous-groupe $H$ de $Gal(L/K)$, on peut associer son corps fixe, noté $L^H$, qui est l’ensemble de tous les éléments de $L$ laissés invariants par tous les automorphismes de $H$. C’est un corps intermédiaire.
  • À chaque corps intermédiaire $F$, on peut associer le sous-groupe $Gal(L/F)$ de $Gal(L/K)$.

Le théorème fondamental de la théorie de Galois décrit la relation exacte entre l’ensemble des sous-groupes de $Gal(L/K)$ et l’ensemble des corps intermédiaires de l’extension $L/K$.

Théorème Fondamental de la Théorie de Galois

Soit $L/K$ une extension de Galois finie de groupe de Galois $G = Gal(L/K)$. Alors, il existe une bijection, appelée correspondance de Galois, entre l’ensemble des sous-groupes de $G$ et l’ensemble des corps intermédiaires de l’extension.

Cette correspondance, qui à un sous-groupe $H$ associe son corps fixe $L^H$, est une bijection décroissante pour l’inclusion et possède les propriétés suivantes :

  1. Inversion de l’inclusion : Si $H_1 \subseteq H_2$ sont des sous-groupes, alors $L^{H_2} \subseteq L^{H_1}$.
  2. Relation des degrés et des ordres : Pour tout sous-groupe $H$, on a $|H| = [L : L^H]$ et $[G:H] = [L^H : K]$.
  3. Normalité : Un sous-groupe $H$ est un sous-groupe normal de $G$ si et seulement si son corps fixe $L^H$ est une extension de Galois de $K$.
  4. Groupe quotient : Si $H$ est un sous-groupe normal de $G$, alors le groupe de Galois de l’extension $L^H/K$ est isomorphe au groupe quotient $G/H$. $$ Gal(L^H/K) \cong G/H $$

Esquisse de la Démonstration

La démonstration est un ensemble de plusieurs arguments clés de la théorie des corps.

  1. Injectivité de la correspondance : On montre que si deux sous-groupes $H_1$ et $H_2$ ont le même corps fixe ($L^{H_1} = L^{H_2}$), alors ils sont nécessairement égaux ($H_1=H_2$). Cela repose sur le fait que l’ordre d’un sous-groupe fini d’automorphismes est égal au degré de l’extension du corps sur son corps fixe.
  2. Surjectivité de la correspondance : C’est la partie la plus difficile. On doit montrer que tout corps intermédiaire $F$ est le corps fixe d’un certain sous-groupe. Le sous-groupe candidat est naturellement $Gal(L/F)$. On utilise le théorème de l’élément primitif, qui affirme que puisque l’extension $L/K$ est séparable, toute sous-extension $F/K$ est simple, c’est-à-dire $F=K(\alpha)$. En examinant le polynôme minimal de $\alpha$ et l’action du groupe de Galois, on parvient à montrer que le corps fixe de $Gal(L/F)$ est bien $F$.
  3. Preuve des propriétés : Les autres points du théorème sont ensuite démontrés en utilisant cette bijection. La relation sur les degrés est une conséquence directe du théorème de Lagrange pour les groupes et de la formule des degrés pour les extensions de corps. La correspondance entre la normalité des sous-groupes et la normalité des extensions est prouvée en montrant que les conjugués d’un sous-groupe correspondent aux images d’un corps intermédiaire par les automorphismes du groupe de Galois.

Implications et Utilisation

Ce théorème est l’un des plus beaux des mathématiques car il établit un dictionnaire parfait entre deux mondes a priori très différents.

  • Résolution d’équations : Le théorème est l’outil ultime pour répondre à la question de la résolubilité des équations polynomiales par radicaux. Une équation est résoluble par radicaux si et seulement si le groupe de Galois de son corps de décomposition est un groupe résoluble.
  • Construction à la règle et au compas : La théorie de Galois permet de traduire des problèmes de constructibilité géométrique en problèmes sur les degrés des extensions de corps, permettant de prouver l’impossibilité de la trisection de l’angle ou de la duplication du cube.
  • Structure des corps : Il fournit un cadre puissant pour comprendre la structure des extensions de corps en la reliant à la structure, souvent plus simple et mieux comprise, des groupes finis.