Théorème Fondamental de l’Algèbre
Contexte : Racines des Polynômes

Un problème central en algèbre est la recherche des racines d’un polynôme, c’est-à-dire les valeurs qui annulent ce polynôme.

  • Dans l’ensemble des nombres réels $\mathbb{R}$, certains polynômes n’ont pas de racine. L’exemple le plus simple est $P(x) = x^2 + 1$.
  • L’introduction des nombres complexes $\mathbb{C}$ a été motivée par la nécessité de donner des solutions à de telles équations. Le théorème fondamental de l’algèbre affirme que cette extension est suffisante : il n’est pas nécessaire d’inventer de nouveaux nombres pour trouver les racines des polynômes à coefficients complexes.
Théorème Fondamental de l’Algèbre

Tout polynôme non constant à coefficients complexes admet au moins une racine dans l’ensemble des nombres complexes.

Versions Équivalentes du Théorème

Le théorème peut être reformulé de plusieurs manières équivalentes :

  • En termes de clôture algébrique : Le corps des nombres complexes $\mathbb{C}$ est algébriquement clos.
  • En termes de factorisation : Tout polynôme non constant à coefficients complexes est scindé sur $\mathbb{C}$, c’est-à-dire qu’il peut être entièrement factorisé en un produit de polynômes du premier degré.
  • En termes de nombre de racines : Tout polynôme de degré $n \ge 1$ à coefficients complexes admet exactement $n$ racines dans $\mathbb{C}$, si l’on compte chaque racine avec sa multiplicité.

Esquisse de la Démonstration (par l’analyse complexe)

Malgré son nom, il n’existe pas de démonstration purement algébrique de ce théorème. Toutes les preuves connues font appel à des résultats d’analyse ou de topologie. La démonstration la plus classique et la plus élégante utilise le théorème de Liouville d’analyse complexe.

  1. Hypothèse par l’absurde : Soit $P(z)$ un polynôme non constant à coefficients complexes. Supposons que $P(z)$ ne s’annule jamais, c’est-à-dire $P(z) \neq 0$ pour tout $z \in \mathbb{C}$.
  2. Construction d’une fonction auxiliaire : Si $P(z)$ n’est jamais nul, alors la fonction $f(z) = \frac{1}{P(z)}$ est définie et holomorphe sur tout le plan complexe. Une telle fonction est appelée une fonction entière.
  3. Comportement à l’infini : Comme $P(z)$ est un polynôme non constant, son module tend vers l’infini lorsque le module de $z$ tend vers l’infini. $$ \lim_{|z| \to \infty} |P(z)| = +\infty $$ Par conséquent, le module de notre fonction auxiliaire $f(z)$ tend vers zéro : $$ \lim_{|z| \to \infty} |f(z)| = \lim_{|z| \to \infty} \frac{1}{|P(z)|} = 0 $$
  4. La fonction est bornée : Le fait que $f(z)$ tende vers 0 à l’infini implique qu’elle est bornée. En effet, il existe un grand disque centré à l’origine en dehors duquel $|f(z)|$ est petit (par exemple, plus petit que 1). À l’intérieur de ce disque (qui est un ensemble compact), la fonction $f$ est continue et donc elle est bornée. Par conséquent, $f(z)$ est bornée sur tout le plan complexe.
  5. Application du Théorème de Liouville : Le théorème de Liouville est un résultat puissant d’analyse complexe qui affirme que toute fonction entière et bornée est nécessairement constante.
  6. Contradiction : Puisque notre fonction $f(z)$ est entière et bornée, elle doit être constante. Mais si $f(z) = \frac{1}{P(z)}$ est constante, alors le polynôme $P(z)$ doit lui-même être constant. Ceci contredit notre hypothèse de départ selon laquelle $P(z)$ est un polynôme non constant.
  7. Conclusion : L’hypothèse de départ (« $P(z)$ ne s’annule jamais ») doit être fausse. Il existe donc au moins un nombre complexe $z_0$ tel que $P(z_0)=0$.