Trouver l’orthogonal d’un sous-espace en dualité

Trouver l’Orthogonal d’un Sous-Espace en Dualité

En algèbre linéaire, la dualité est une perspective qui consiste à étudier un espace vectoriel $E$ à travers l’ensemble des fonctions linéaires qui vont de $E$ vers son corps de scalaires $K$. Cet ensemble, appelé l’espace dual $E^*$, possède sa propre structure d’espace vectoriel. L’orthogonalité en dualité, notée $F^o$, est l’ensemble des « fonctions-test » qui s’annulent sur un sous-espace $F$ donné.

Définition de l’Orthogonal (au sens de la dualité)

Soit $E$ un $K$-espace vectoriel et $F$ un sous-espace de $E$. L’orthogonal de $F$, noté $F^o$ (ou parfois $F^{\perp}$), est un sous-espace de l’espace dual $E^*$, défini par :
$F^o = \{ \phi \in E^* \mid \forall x \in F, \phi(x) = 0 \}$

En d’autres termes, $F^o$ est l’ensemble de toutes les formes linéaires sur $E$ qui sont nulles sur tout le sous-espace $F$.

Méthode Générale
  1. Prendre une base de F : Soit $(u_1, \dots, u_k)$ une base de $F$.
  2. Condition d’annulation : Une forme linéaire $\phi \in E^*$ appartient à $F^o$ si et seulement si elle s’annule sur tous les vecteurs de la base de $F$. On doit donc résoudre le système d’équations :
    $\phi(u_1) = 0, \quad \phi(u_2) = 0, \quad \dots, \quad \phi(u_k) = 0$.
  3. Résoudre le système : On exprime une forme linéaire générique $\phi$ en fonction de ses coordonnées dans la base duale. La résolution du système donne les relations que doivent vérifier ces coordonnées.
  4. Extraire une base de $F^o$ : On trouve une base de l’espace des solutions, qui sera une base de formes linéaires pour $F^o$.

Exemple 1 : Orthogonal d’une droite dans $\mathbb{R}^3$

Soit $F = \text{Vect}(u)$ avec $u = (1, 2, -1)$.

Une forme linéaire $\phi$ sur $\mathbb{R}^3$ s’écrit $\phi(x,y,z) = ax+by+cz$.
$\phi \in F^o$ si et seulement si $\phi(u) = 0$.
$\phi(1, 2, -1) = a(1) + b(2) + c(-1) = a + 2b – c = 0$.

L’orthogonal $F^o$ est l’ensemble des formes linéaires dont les coefficients $(a,b,c)$ vérifient $c = a+2b$.
Une forme $\phi \in F^o$ est donc de la forme $\phi(x,y,z) = ax+by+(a+2b)z = a(x+z) + b(y+2z)$.
On peut voir que $F^o$ est engendré par les deux formes linéaires indépendantes :
$\phi_1(x,y,z) = x+z$ (pour $a=1, b=0$) et $\phi_2(x,y,z) = y+2z$ (pour $a=0, b=1$).

Conclusion : Une base de $F^o$ est $(\phi_1, \phi_2)$, et $\text{dim}(F^o)=2$.

Exemple 2 : Orthogonal d’un plan dans $\mathbb{R}^3$

Soit $F = \{(x,y,z) \in \mathbb{R}^3 \mid x+y-z=0\}$.

1. Trouver une base de F : $F = \text{Vect}(u_1, u_2)$ avec $u_1=(1,0,1)$ et $u_2=(0,1,1)$.

2. Appliquer les conditions : Une forme $\phi(x,y,z)=ax+by+cz$ est dans $F^o$ si $\phi(u_1)=0$ et $\phi(u_2)=0$.
$\phi(1,0,1) = a+c = 0 \implies a=-c$.
$\phi(0,1,1) = b+c = 0 \implies b=-c$.

Les coefficients doivent donc être de la forme $(-c, -c, c)$.
$\phi(x,y,z) = -cx -cy + cz = c(-x-y+z)$.
Toutes les formes linéaires de $F^o$ sont proportionnelles à la forme $\psi(x,y,z) = -x-y+z$.

Conclusion : $F^o = \text{Vect}(\psi)$, et $\text{dim}(F^o)=1$.

Exemple 3 : Lien entre les équations et la base de l’orthogonal

Soit $F$ le sous-espace de $\mathbb{R}^4$ défini par le système d’équations :
$\begin{cases} x+y=0 \\ z-t=0 \end{cases}$.
Ces deux équations peuvent être vues comme l’action de deux formes linéaires :
$\phi_1(x,y,z,t) = x+y$ et $\phi_2(x,y,z,t) = z-t$.
Par définition, $F$ est l’ensemble des vecteurs qui annulent $\phi_1$ et $\phi_2$.

En d’autres termes, $F$ est l’intersection des noyaux de $\phi_1$ et $\phi_2$.
On peut montrer que l’orthogonal de $F$ est alors simplement l’espace engendré par ces formes linéaires.
Conclusion : $F^o = \text{Vect}(\phi_1, \phi_2)$.

Propriétés Fondamentales
  • Relation des dimensions : En dimension finie, on a toujours $\text{dim}(F) + \text{dim}(F^o) = \text{dim}(E)$. (Dans l’exemple 1, $1+2=3$; dans l’exemple 2, $2+1=3$).
  • Dualité et inclusion : Si $F \subset G$, alors $G^o \subset F^o$. L’orthogonalité « renverse » les inclusions.
  • Biorthogonal : $(F^o)^o = F$. En prenant l’orthogonal deux fois, on retombe sur le sous-espace de départ.
  • Dualité vs. Supplémentaire Orthogonal : Ne pas confondre $F^o \subset E^*$ et le supplémentaire orthogonal $F^\perp \subset E$ (qui nécessite un produit scalaire). Dans un espace euclidien, il existe un isomorphisme canonique qui identifie $E$ et $E^*$, et qui fait correspondre $F^\perp$ et $F^o$. Les concepts sont distincts mais peuvent être identifiés dans ce cadre.