Étudier la monotonie d’une suite, c’est déterminer si ses termes ont tendance à augmenter, à diminuer ou à rester constants. Une suite peut être croissante, décroissante, constante, ou ne présenter aucune de ces régularités (elle est alors dite non monotone). Le choix de la bonne méthode est crucial pour analyser efficacement son comportement.
Le principe de base est toujours le même : comparer un terme $u_{n+1}$ avec son prédécesseur $u_n$.
- Si $u_{n+1} \ge u_n$ pour tout $n$, la suite est croissante.
- Si $u_{n+1} \le u_n$ pour tout $n$, la suite est décroissante.
- Si $u_{n+1} = u_n$ pour tout $n$, la suite est constante.
Pour effectuer cette comparaison, quatre grandes stratégies existent.
Méthode 1 : Étudier le signe de la différence $u_{n+1} – u_n$
C’est la méthode la plus directe et la plus universelle. Elle fonctionne pour tous les types de suites.
- Si $u_{n+1} – u_n \ge 0$, la suite est croissante.
- Si $u_{n+1} – u_n \le 0$, la suite est décroissante.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie par $u_n = n^2 – 10n + 3$.
$u_{n+1} – u_n = ((n+1)^2 – 10(n+1) + 3) – (n^2 – 10n + 3)$
$= (n^2 + 2n + 1 – 10n – 10 + 3) – n^2 + 10n – 3$
$= n^2 – 8n – 6 – n^2 + 10n – 3 = 2n – 9$.
Le signe de $2n – 9$ dépend de $n$. $2n – 9 \ge 0 \iff n \ge 4.5$.
Conclusion : La suite est décroissante jusqu’au rang 4, puis croissante à partir du rang 5. Elle n’est donc pas monotone sur $\mathbb{N}$ entier.
Méthode 2 : Comparer le quotient $\frac{u_{n+1}}{u_n}$ à 1
Cette méthode est particulièrement adaptée aux suites contenant des puissances, des factorielles ou des produits. Elle nécessite que la suite soit à termes strictement positifs.
- Si $\frac{u_{n+1}}{u_n} \ge 1$, la suite est croissante.
- Si $\frac{u_{n+1}}{u_n} \le 1$, la suite est décroissante.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie pour $n \ge 1$ par $u_n = \frac{n^2}{2^n}$.
Les termes sont bien positifs. On calcule le quotient :
$\frac{u_{n+1}}{u_n} = \frac{(n+1)^2}{2^{n+1}} \times \frac{2^n}{n^2} = \frac{(n+1)^2}{2n^2} = \frac{1}{2} \left(\frac{n+1}{n}\right)^2 = \frac{1}{2} \left(1 + \frac{1}{n}\right)^2$.
Pour $n=1$, le quotient vaut $\frac{1}{2}(2)^2 = 2 > 1$ (croissant).
Pour $n=2$, le quotient vaut $\frac{1}{2}(1.5)^2 = 1.125 > 1$ (croissant).
Pour $n \ge 3$, on a $1 < 1 + \frac{1}{n} \le 1 + \frac{1}{3} = \frac{4}{3}$. Donc $\left(1 + \frac{1}{n}\right)^2 \le \frac{16}{9}$.
Le quotient est donc $\frac{1}{2} \left(1 + \frac{1}{n}\right)^2 \le \frac{1}{2} \cdot \frac{16}{9} = \frac{8}{9} < 1$.
Conclusion : La suite est croissante jusqu’au rang 2, puis décroissante à partir du rang 3.
Méthode 3 : Utiliser une fonction associée $u_n = f(n)$
Si l’expression de la suite peut être généralisée en une fonction $f$, la monotonie de la suite est directement liée aux variations de $f$.
Si $f$ est croissante sur $[0, +\infty[$, alors $(u_n)$ est croissante.
Si $f$ est décroissante sur $[0, +\infty[$, alors $(u_n)$ est décroissante.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie pour $n \ge 1$ par $u_n = \frac{\ln(n)}{n}$.
On étudie la fonction $f(x) = \frac{\ln(x)}{x}$ pour $x \ge 1$.
$f'(x) = \frac{\frac{1}{x} \cdot x – 1 \cdot \ln(x)}{x^2} = \frac{1 – \ln(x)}{x^2}$.
Le signe de $f'(x)$ est celui de $1 – \ln(x)$.
$1 – \ln(x) \ge 0 \iff 1 \ge \ln(x) \iff e \ge x$.
Conclusion : La fonction $f$ est croissante sur $[1, e]$ et décroissante sur $[e, +\infty[$. Comme $e \approx 2.718$, la suite $(u_n)$ est croissante pour $n=1, 2$ et décroissante à partir du rang 3.
Méthode 4 : Le raisonnement par récurrence
Cette méthode est essentielle pour les suites définies par récurrence, de la forme $u_{n+1} = f(u_n)$. Il faut souvent s’aider de l’étude de la fonction $f$ pour guider la démonstration.
Exemple : Soit la suite $(u_n)$ définie par $u_0 = 0.5$ et $u_{n+1} = u_n(2-u_n)$.
On peut montrer que pour tout $n$, $0 \le u_n \le 1$. La fonction associée est $f(x)=x(2-x)$.
On veut prouver $u_{n+1} \ge u_n$. C’est équivalent à $u_n(2-u_n) \ge u_n$, soit $2-u_n \ge 1$ (car $u_n > 0$), ce qui donne $1 \ge u_n$.
Il suffit donc de montrer par récurrence que $u_n \in [0, 1]$ pour tout $n$.
Conclusion : Si on prouve que $u_n \in [0, 1]$, on en déduit $u_{n+1} – u_n = u_n(1-u_n) \ge 0$, donc la suite est croissante.
- Suite « polynômiale » ($u_n = an^2+bn+c$…) : Méthode 1 (Différence).
- Suite « géométrique » ou avec factorielles/puissances ($u_n = \frac{k^n}{n!}$…) : Méthode 2 (Quotient), si les termes sont positifs.
- Suite « fonctionnelle » ($u_n = f(n)$) : Méthode 3 (Fonction associée), si la dérivée est simple à étudier.
- Suite récurrente ($u_{n+1} = f(u_n)$) : Méthode 4 (Récurrence), souvent combinée avec l’étude de la fonction $f$.
N’oubliez pas qu’une suite peut changer de monotonie. Dans ce cas, on dit qu’elle est monotone à partir d’un certain rang.
