On appelle matrice nilpotente de Jordan toute matrice carrée diagonale par blocs, où chaque bloc diagonal est un bloc de Jordan nilpotent, c’est-à-dire une matrice de la forme : $$ N_k = \begin{pmatrix} 0 & 1 & 0 & \dots \\ 0 & 0 & 1 & \dots \\ \vdots & & \ddots & \ddots \\ 0 & \dots & \dots & 0 \end{pmatrix} $$ (des 1 sur la sur-diagonale, des 0 partout ailleurs).
Exemples
Pour $n=3$, les formes réduites de Jordan nilpotentes (à permutation des blocs près) sont :
$$ \begin{pmatrix} 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 1 \\ 0 & 0 & 0 \end{pmatrix} \quad \text{et} \quad \begin{pmatrix} 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 \end{pmatrix} $$
Soit $u$ un endomorphisme nilpotent non nul d’un K-espace vectoriel $E$ de dimension finie $n$. Il existe une base de $E$, appelée base de Jordan, dans laquelle la matrice de $u$ est une matrice nilpotente de Jordan.
Démonstration
La démonstration repose sur le Lemme 3 de la section précédente, qui établit l’existence d’une décomposition $E = F_1 \oplus \dots \oplus F_q$ où $E_i = Ker(u^i) = E_{i-1} \oplus F_i$ et où $u$ envoie injectivement $F_i$ dans $F_{i-1}$.
La construction de la base de Jordan se fait « à rebours ». On part d’une base $(x_{q,1}, \dots, x_{q,m_q})$ de $F_q$. Son image par $u$ est une famille libre dans $F_{q-1}$, que l’on complète en une base de $F_{q-1}$. On réitère ce processus jusqu’à obtenir une base pour chaque $F_i$.
L’ensemble de tous les vecteurs de ces bases forme une base de $E$. En organisant ces vecteurs en « chaînes » de la forme $(u^k(x), u^{k-1}(x), \dots, u(x), x)$ où $x$ est un des vecteurs de base choisi qui n’est pas dans l’image de $u$, on obtient des blocs de Jordan. La concaténation de ces chaînes forme la base de Jordan désirée, dans laquelle la matrice de $u$ a la structure diagonale par blocs annoncée.
Remarque
La structure des blocs de Jordan (leur taille et leur nombre) est entièrement déterminée par les dimensions des sous-espaces $F_i$, qui elles-mêmes sont déterminées par les dimensions des noyaux itérés $Ker(u^k)$.
- Le nombre de blocs de Jordan est égal à $\dim(Ker(u))$.
- Le nombre de blocs de taille supérieure ou égale à $k$ est égal à $\dim(Ker(u^k)) – \dim(Ker(u^{k-1}))$.
- La taille du plus grand bloc de Jordan est égale à l’indice de nilpotence $q$.