Soit $f$ une fonction d’une variable complexe, définie sur un ouvert $U \subseteq \mathbb{C}$. On dit que $f$ est holomorphe (ou dérivable au sens complexe) en un point $z_0 \in U$ si la limite suivante existe et est finie : $$ f'(z_0) = \lim_{h \to 0} \frac{f(z_0+h) – f(z_0)}{h} $$ La différence cruciale avec la dérivabilité réelle est que $h$ est un nombre complexe, il peut donc tendre vers 0 selon n’importe quelle direction dans le plan complexe. L’existence de cette limite est donc une condition très forte.
On peut écrire la fonction $f$ en séparant ses parties réelle et imaginaire : $f(x+iy) = u(x,y) + i v(x,y)$, où $u$ et $v$ sont des fonctions de deux variables réelles. Les équations de Cauchy-Riemann relient les dérivées partielles de $u$ et $v$.
Soit $f(x+iy) = u(x,y) + i v(x,y)$ une fonction complexe. Si $f$ est holomorphe en un point $z_0 = x_0+iy_0$, alors les dérivées partielles de $u$ et $v$ existent en $(x_0, y_0)$ et satisfont les équations de Cauchy-Riemann : $$ \frac{\partial u}{\partial x}(x_0, y_0) = \frac{\partial v}{\partial y}(x_0, y_0) \quad \text{et} \quad \frac{\partial u}{\partial y}(x_0, y_0) = -\frac{\partial v}{\partial x}(x_0, y_0) $$
Réciproquement, si les fonctions $u$ et $v$ sont de classe $C^1$ (leurs dérivées partielles existent et sont continues) sur un ouvert et qu’elles satisfont les équations de Cauchy-Riemann, alors la fonction $f=u+iv$ est holomorphe sur cet ouvert.
Démonstration (Condition Nécessaire)
Si $f$ est holomorphe en $z_0$, la limite $f'(z_0) = \lim_{h \to 0} \frac{f(z_0+h) – f(z_0)}{h}$ doit être la même quelle que soit la manière dont $h$ tend vers 0. Explorons deux chemins particuliers.
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Chemin 1 : Approche le long de l’axe réel.
On fait tendre $h$ vers 0 en restant sur l’axe réel, c’est-à-dire $h=t$ avec $t \in \mathbb{R}$ et $t \to 0$. $$ f'(z_0) = \lim_{t \to 0} \frac{f(x_0+t+iy_0) – f(x_0+iy_0)}{t} $$ $$ = \lim_{t \to 0} \frac{[u(x_0+t, y_0) + i v(x_0+t, y_0)] – [u(x_0, y_0) + i v(x_0, y_0)]}{t} $$ $$ = \lim_{t \to 0} \left( \frac{u(x_0+t, y_0) – u(x_0, y_0)}{t} + i \frac{v(x_0+t, y_0) – v(x_0, y_0)}{t} \right) $$ Par définition des dérivées partielles, cette limite est : $$ f'(z_0) = \frac{\partial u}{\partial x}(x_0, y_0) + i \frac{\partial v}{\partial x}(x_0, y_0) $$ -
Chemin 2 : Approche le long de l’axe imaginaire.
On fait tendre $h$ vers 0 en restant sur l’axe imaginaire, c’est-à-dire $h=it$ avec $t \in \mathbb{R}$ et $t \to 0$. $$ f'(z_0) = \lim_{t \to 0} \frac{f(x_0+i(y_0+t)) – f(x_0+iy_0)}{it} $$ $$ = \frac{1}{i} \lim_{t \to 0} \left( \frac{u(x_0, y_0+t) – u(x_0, y_0)}{t} + i \frac{v(x_0, y_0+t) – v(x_0, y_0)}{t} \right) $$ Par définition des dérivées partielles, cette limite est : $$ f'(z_0) = \frac{1}{i} \left( \frac{\partial u}{\partial y}(x_0, y_0) + i \frac{\partial v}{\partial y}(x_0, y_0) \right) = -i \frac{\partial u}{\partial y}(x_0, y_0) + \frac{\partial v}{\partial y}(x_0, y_0) $$ - Conclusion : Puisque la limite $f'(z_0)$ doit être unique, les deux expressions obtenues doivent être égales. En identifiant les parties réelle et imaginaire, on obtient : $$ \frac{\partial u}{\partial x} = \frac{\partial v}{\partial y} \quad \text{et} \quad \frac{\partial v}{\partial x} = -\frac{\partial u}{\partial y} $$
Implications et Conséquences
- Rigidité des fonctions holomorphes : Ces équations imposent une contrainte très forte sur la structure d’une fonction holomorphe. La connaissance de sa partie réelle (ou imaginaire) suffit presque à déterminer entièrement la fonction (à une constante près).
- Fonctions harmoniques : Si une fonction $f=u+iv$ est holomorphe, alors ses parties réelle $u$ et imaginaire $v$ sont des fonctions harmoniques, c’est-à-dire qu’elles satisfont l’équation de Laplace : $$ \Delta u = \frac{\partial^2 u}{\partial x^2} + \frac{\partial^2 u}{\partial y^2} = 0 \quad \text{et} \quad \Delta v = 0 $$ Ceci crée un lien profond entre l’analyse complexe et la physique mathématique (électrostatique, mécanique des fluides, etc.).