Théorème du point fixe de Lefschetz
Contexte : Le Nombre de Lefschetz

Le théorème de Brouwer garantit l’existence d’un point fixe, mais ne dit rien sur leur nombre. Le théorème de Lefschetz va plus loin en introduisant un nombre, calculé via l’homologie, qui « compte » les points fixes d’une manière algébrique.

  • Une fonction continue $f: X \to X$ induit des applications linéaires $f_*: H_k(X) \to H_k(X)$ sur chaque groupe d’homologie de l’espace $X$.
  • Pour chaque dimension $k$, on peut calculer la trace de cette application linéaire, notée $\text{Tr}(f_k)$. La trace est la somme des éléments diagonaux de la matrice représentant l’application.
  • Le nombre de Lefschetz de $f$, noté $\Lambda_f$, est la somme alternée de ces traces : $$ \Lambda_f = \sum_{k \ge 0} (-1)^k \text{Tr}(f_k) $$

Ce nombre est un invariant topologique : si on déforme continûment la fonction $f$, son nombre de Lefschetz ne change pas.

Théorème du point fixe de Lefschetz

Soit $X$ un espace topologique compact (par exemple un polyèdre compact) et soit $f: X \to X$ une application continue.

Si le nombre de Lefschetz $\Lambda_f$ est différent de zéro, alors $f$ admet au moins un point fixe.

Signification et Importance

Ce théorème est une généralisation remarquable des résultats précédents.

  • Généralisation du théorème de Brouwer : Si $X$ est un disque (ou plus généralement un espace contractile), son homologie est triviale sauf en dimension 0 ($H_0(X) = \mathbb{Z}$). Pour toute fonction $f$, on a $\text{Tr}(f_0) = 1$, et donc $\Lambda_f = 1$. Comme $1 \neq 0$, toute application continue d’un disque dans lui-même a un point fixe. On retrouve le théorème de Brouwer.
  • Un outil de « comptage » : Le théorème est plus puissant que sa simple formulation. Dans de bonnes conditions (si les points fixes sont « isolés »), le nombre de Lefschetz est en fait égal à la somme des indices des points fixes. Il ne compte pas simplement la présence de points fixes, mais il les compte avec un signe (+1 ou -1) qui dépend de leur nature (puits, source, col…).
  • Application aux espaces non-convexes : Contrairement au théorème de Brouwer, celui de Lefschetz s’applique à des espaces qui ne sont pas forcément convexes ou contractiles, comme les tores ou les sphères. Par exemple, pour une application $f: S^n \to S^n$, son nombre de Lefschetz est $\Lambda_f = 1 + (-1)^n \deg(f)$, où $\deg(f)$ est le degré de l’application. Si ce nombre est non nul, $f$ a un point fixe.