Applications du Théorème de Schwarz : Symétrie et Champs de Gradient

Applications du Théorème de Schwarz

Le théorème de Schwarz, qui affirme l’égalité des dérivées partielles mixtes pour les fonctions suffisamment régulières, n’est pas seulement une curiosité théorique. C’est un résultat puissant avec des conséquences directes et profondes en optimisation, en analyse vectorielle et en physique.

1. Symétrie de la Matrice Hessienne et Optimisation

C’est l’application la plus directe et la plus importante en analyse locale. Le théorème de Schwarz garantit que pour toute fonction de classe C², sa matrice Hessienne est symétrique. $$ H_f(a) = \begin{pmatrix} \frac{\partial^2 f}{\partial x_1^2} & \frac{\partial^2 f}{\partial x_1 \partial x_2} & \cdots \\ \frac{\partial^2 f}{\partial x_2 \partial x_1} & \frac{\partial^2 f}{\partial x_2^2} & \cdots \\ \vdots & \vdots & \ddots \end{pmatrix} \quad \text{avec} \quad \frac{\partial^2 f}{\partial x_1 \partial x_2} = \frac{\partial^2 f}{\partial x_2 \partial x_1}, \text{etc.} $$

Cette propriété est fondamentale en optimisation. Pour déterminer la nature d’un point critique (où le gradient est nul), on étudie le signe des valeurs propres de la matrice Hessienne. Le fait que la matrice soit symétrique assure que :

  • Toutes ses valeurs propres sont réelles, ce qui permet une analyse de signe non ambiguë.
  • Elle est diagonalisable dans une base orthonormée, ce qui simplifie l’étude locale de la fonction.

2. Condition Nécessaire pour les Champs de Gradient

Le théorème de Schwarz est la clé pour prouver une identité fondamentale de l’analyse vectorielle : le rotationnel d’un gradient est toujours nul.

Théorème : $\text{rot}(\nabla f) = \vec{0}$

Si $f: U \subset \mathbb{R}^3 \to \mathbb{R}$ est une fonction de classe C², alors le champ de vecteurs $F = \nabla f$ est irrotationnel.

Démonstration (pour la 3ème composante) :
On a $F = (\frac{\partial f}{\partial x}, \frac{\partial f}{\partial y}, \frac{\partial f}{\partial z})$.
La troisième composante du rotationnel de $F$ est : $$ (\text{rot } F)_z = \frac{\partial F_2}{\partial x} – \frac{\partial F_1}{\partial y} = \frac{\partial}{\partial x}\left(\frac{\partial f}{\partial y}\right) – \frac{\partial}{\partial y}\left(\frac{\partial f}{\partial x}\right) = \frac{\partial^2 f}{\partial x \partial y} – \frac{\partial^2 f}{\partial y \partial x} $$ Puisque $f$ est de classe C², le théorème de Schwarz s’applique et cette différence est nulle. Le même raisonnement s’applique aux autres composantes.

Cette identité fournit une condition nécessaire pour qu’un champ de vecteurs $F$ dérive d’un potentiel (soit un champ de gradient) : son rotationnel doit être nul.

3. Condition de Test pour les Formes Différentielles Exactes

En thermodynamique ou en calcul différentiel, on rencontre souvent des expressions de la forme $\omega = P(x,y)dx + Q(x,y)dy$, appelées formes différentielles. On se demande s’il existe une fonction $f(x,y)$ telle que $df = \omega$, c’est-à-dire : $$ \frac{\partial f}{\partial x} = P(x,y) \quad \text{et} \quad \frac{\partial f}{\partial y} = Q(x,y) $$ Si une telle fonction $f$ (un potentiel) existe, on dit que la forme est exacte.

Si $f$ existe et est de classe C², alors d’après le théorème de Schwarz : $$ \frac{\partial^2 f}{\partial y \partial x} = \frac{\partial P}{\partial y} \quad \text{et} \quad \frac{\partial^2 f}{\partial x \partial y} = \frac{\partial Q}{\partial x} \implies \frac{\partial P}{\partial y} = \frac{\partial Q}{\partial x} $$ Le théorème de Schwarz fournit donc une condition nécessaire pour qu’une forme différentielle soit exacte.

Exemple

La forme $\omega = (2xy)dx + (x^2-y^2)dy$ est-elle exacte ?

On a $P(x,y) = 2xy$ et $Q(x,y) = x^2-y^2$. $$ \frac{\partial P}{\partial y} = 2x $$ $$ \frac{\partial Q}{\partial x} = 2x $$ La condition $\frac{\partial P}{\partial y} = \frac{\partial Q}{\partial x}$ est vérifiée. La forme est dite « fermée ». Grâce au lemme de Poincaré, si le domaine est simplement connexe, on peut en déduire qu’elle est exacte et qu’un potentiel $f$ existe.