Applications du Théorème de Stokes : Calculs de Flux et Circulation

Application du Théorème de Stokes

Le théorème de Stokes, $\oint_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r} = \iint_S (\text{rot } \vec{F}) \cdot d\vec{S}$, est un outil d’une grande puissance en analyse vectorielle. Sa principale application est de permettre de choisir entre le calcul d’une intégrale de ligne et celui d’une intégrale de surface, en optant pour le plus simple des deux. Il fournit également des aperçus théoriques profonds sur la nature des champs de vecteurs.

1. Simplification du Calcul de la Circulation

C’est l’application la plus directe. Si le calcul de la circulation $\oint_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r}$ le long d’une courbe fermée complexe $\mathcal{C}$ s’avère difficile, on peut le remplacer par le calcul du flux du rotationnel à travers une surface $S$ simple qui s’appuie sur $\mathcal{C}$ (par exemple, un disque plat). Si le rotationnel de $\vec{F}$ est une fonction simple (voire constante), le calcul du flux peut être beaucoup plus aisé.

Exemple

Calculer la circulation de $\vec{F}(x,y,z) = (-y^2, x, z^2)$ le long de la courbe $\mathcal{C}$, qui est l’intersection du cylindre $x^2+y^2=1$ et du plan $y+z=2$, orientée dans le sens anti-horaire vue de dessus.

Paramétrer cette ellipse inclinée est compliqué. Utilisons Stokes.

  1. Choisir une surface simple : La surface $S$ la plus simple s’appuyant sur $\mathcal{C}$ est la portion du plan $y+z=2$ à l’intérieur du cylindre.
  2. Calculer le rotationnel : $$ \text{rot } \vec{F} = \det \begin{pmatrix} \vec{i} & \vec{j} & \vec{k} \\ \partial_x & \partial_y & \partial_z \\ -y^2 & x & z^2 \end{pmatrix} = (0-0)\vec{i} – (0-0)\vec{j} + (1 – (-2y))\vec{k} = (0, 0, 1+2y) $$
  3. Calculer le flux du rotationnel :
    • Paramétrisation de $S$ : $z=2-y$. On utilise $\vec{r}(x,y)=(x,y,2-y)$. Le vecteur normal est $\vec{r}_x \wedge \vec{r}_y = (0,-(-1),1)=(0,1,1)$. Il a une composante $z>0$, donc il est orienté vers le haut, ce qui est cohérent avec l’orientation anti-horaire.
    • Domaine de projection $D$ : le disque $x^2+y^2 \le 1$.
    • Produit scalaire : $(\text{rot } \vec{F}) \cdot \vec{N} = (0,0,1+2y)\cdot(0,1,1) = 1+2y$.
    • Intégrale de surface : $\iint_S (\text{rot } \vec{F}) \cdot d\vec{S} = \iint_D (1+2y) \,dA$. $$ \iint_D 1 \,dA + \iint_D 2y \,dA = \text{Aire}(D) + 0 = \pi(1)^2 = \pi $$ (L’intégrale de $2y$ est nulle par symétrie du domaine par rapport à l’axe $x$).

La circulation vaut donc $\pi$.

2. Surface Indépendance du Flux d’un Rotationnel

Le théorème de Stokes implique que le flux d’un champ rotationnel (un champ qui est lui-même le rotationnel d’un autre champ) à travers une surface ne dépend que de sa courbe frontière.

Exemple

Calculer le flux de $\vec{G} = \text{rot } \vec{F}$ à travers l’hémisphère supérieur $x^2+y^2+z^2=1, z \ge 0$, orienté vers le haut.
Plutôt que de faire un calcul complexe sur l’hémisphère $S_1$, on peut choisir une surface beaucoup plus simple ayant la même frontière (le cercle unité dans le plan $xy$) : le disque plat $S_2$. $$ \iint_{S_1} \vec{G} \cdot d\vec{S} = \oint_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r} = \iint_{S_2} \vec{G} \cdot d\vec{S} $$ Le calcul sur le disque plat $S_2$ est généralement beaucoup plus simple.

3. Test des Champs Conservatifs

Stokes fournit le lien entre le rotationnel et la conservation de l’énergie.
Un champ de force $\vec{F}$ est dit conservatif si le travail qu’il effectue sur un chemin fermé est toujours nul, $\oint_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r}=0$.
D’après Stokes, cela est équivalent à dire que $\iint_S (\text{rot } \vec{F}) \cdot d\vec{S} = 0$ pour n’importe quelle surface $S$. Pour que cela soit vrai pour toutes les surfaces, il faut que l’intégrande soit nul, c’est-à-dire : $$ \text{rot } \vec{F} = \vec{0} $$ Le théorème de Stokes prouve donc (sur un domaine simplement connexe) qu’un champ est conservatif si et seulement s’il est irrotationnel.