Base et Matrice de Jordan
Théorème : Réduction de Jordan

Soit $u$ un endomorphisme d’un K-espace vectoriel $E$ de dimension finie $n$, dont le polynôme caractéristique $\chi_u$ est scindé sur $K$. Supposons que la factorisation de $\chi_u$ est : $$ \chi_u(X) = (X – \lambda_1)^{m_1} (X – \lambda_2)^{m_2} \dots (X – \lambda_r)^{m_r} $$ où les $\lambda_1, \dots, \lambda_r$ sont les valeurs propres distinctes de $u$.

Alors, il existe une base de $E$, appelée base de Jordan de $u$, dans laquelle la matrice $J$ de $u$ est une matrice diagonale par blocs de la forme : $$ J = \begin{pmatrix} J_1 & 0 & \dots & 0 \\ 0 & J_2 & \dots & 0 \\ \vdots & & \ddots & \vdots \\ 0 & 0 & \dots & J_r \end{pmatrix} $$ Chaque bloc diagonal $J_i$, de taille $m_i \times m_i$, est lui-même une matrice diagonale par blocs constituée de blocs de Jordan élémentaires associés à la valeur propre $\lambda_i$ : $$ J_i = \begin{pmatrix} J_{i,1} & & \\ & \ddots & \\ & & J_{i,k_i} \end{pmatrix} \quad \text{avec} \quad J_{i,j} = \begin{pmatrix} \lambda_i & 1 & & \\ & \lambda_i & \ddots & \\ & & \ddots & 1 \\ & & & \lambda_i \end{pmatrix} $$

Démonstration

Ce théorème est une synthèse de la décomposition de Dunford et de la réduction des endomorphismes nilpotents.

D’après le théorème des projecteurs spectraux, l’espace $E$ est la somme directe des sous-espaces caractéristiques $N_i = Ker((u – \lambda_i Id_E)^{m_i})$, et chacun de ces sous-espaces est stable par $u$.

Considérons la restriction de $u$ à chaque sous-espace caractéristique $N_i$, notée $u_i$. On peut écrire $u_i = \lambda_i Id_{N_i} + (u_i – \lambda_i Id_{N_i})$. L’endomorphisme $v_i = u_i – \lambda_i Id_{N_i}$ est nilpotent sur $N_i$, car $(v_i)^{m_i} = (u – \lambda_i Id_E)^{m_i}_{|N_i} = 0$.

D’après le théorème de réduction des endomorphismes nilpotents, il existe une base de Jordan $\beta_i$ pour chaque $v_i$ sur $N_i$. Dans cette base $\beta_i$, la matrice de $v_i$ est une matrice nilpotente de Jordan, $N_{Jordan}$.

Par conséquent, dans cette même base $\beta_i$, la matrice de $u_i = \lambda_i Id_{N_i} + v_i$ est de la forme $J_i = \lambda_i I + N_{Jordan}$. C’est précisément une matrice de Jordan associée à la valeur propre $\lambda_i$.

En concaténant les bases de Jordan $\beta_1, \dots, \beta_r$ de chaque sous-espace caractéristique, on obtient une base de $E$ tout entier. Dans cette base globale, la matrice de $u$ est bien la matrice diagonale par blocs $J$ décrite dans le théorème.