Champ Irrotationnel et Potentiel Scalaire
Un champ de vecteurs est dit irrotationnel s’il ne présente aucune tendance à « tourbillonner » localement. Cette propriété géométrique est intimement liée à l’existence d’un potentiel scalaire. En fait, sous de bonnes conditions sur le domaine, être irrotationnel est équivalent à être un champ de gradient.
1. Définition d’un Champ Irrotationnel
Un champ de vecteurs $F$ de classe C¹ sur un ouvert $U \subset \mathbb{R}^3$ est dit irrotationnel si son rotationnel est nul en tout point de $U$. $$ \text{rot } F = \vec{0} $$
En développant les composantes, cela équivaut au système d’équations aux dérivées partielles : $$ \frac{\partial F_3}{\partial y} = \frac{\partial F_2}{\partial z}, \quad \frac{\partial F_1}{\partial z} = \frac{\partial F_3}{\partial x}, \quad \frac{\partial F_2}{\partial x} = \frac{\partial F_1}{\partial y} $$ Ces conditions sont parfois appelées les conditions de Maxwell-Ampère en électrostatique.
Interprétation physique : Si $F$ représente la vitesse d’un fluide, un rotationnel nul signifie qu’une petite particule ou une roue à aubes placée dans le fluide ne subirait aucune rotation sur elle-même.
2. Le Lien Fondamental avec le Potentiel Scalaire
La propriété la plus importante des champs irrotationnels est leur lien avec les champs de gradient.
Soit $F$ un champ de vecteurs de classe C¹ sur un ouvert $U \subset \mathbb{R}^3$.
- Si $F$ dérive d’un potentiel scalaire ($F = \nabla f$), alors $F$ est nécessairement irrotationnel ($\text{rot } F = \vec{0}$).
- Réciproquement, si $F$ est irrotationnel ($\text{rot } F = \vec{0}$) et que le domaine $U$ est simplement connexe (c’est-à-dire « sans trou »), alors il existe un potentiel scalaire $f$ tel que $F = \nabla f$.
Autrement dit, sur un domaine « gentil », les notions de « champ de gradient », « champ conservatif » et « champ irrotationnel » sont équivalentes.
3. Conséquence : Indépendance du Chemin
Une conséquence directe et majeure de ce théorème est que la circulation d’un champ irrotationnel le long d’un chemin ne dépend que des extrémités du chemin (sur un domaine simplement connexe).
Soit $F$ un champ irrotationnel sur un ouvert simplement connexe $U$.
- L’intégrale curviligne (la circulation) de $F$ le long de n’importe quel chemin fermé $\mathcal{C}$ inclus dans $U$ est nulle : $$ \oint_\mathcal{C} F \cdot d\vec{r} = 0 $$
- L’intégrale curviligne entre deux points $A$ et $B$ de $U$ est indépendante du chemin suivi et vaut la différence de potentiel : $$ \int_A^B F \cdot d\vec{r} = f(B) – f(A) $$ où $f$ est un potentiel scalaire de $F$.
4. Comment Trouver le Potentiel Scalaire ?
Si l’on sait qu’un champ $F=(F_1, F_2, F_3)$ est irrotationnel, on peut retrouver son potentiel $f$ par intégration successive. On cherche $f$ tel que : $$ \frac{\partial f}{\partial x} = F_1, \quad \frac{\partial f}{\partial y} = F_2, \quad \frac{\partial f}{\partial z} = F_3 $$
Exemple de Calcul
Soit le champ $F(x,y,z) = (2xy+z^2, x^2, 2xz)$. On vérifie d’abord qu’il est irrotationnel.
$\text{rot } F = (0-0)\vec{i} + (2z-2z)\vec{j} + (2x-2x)\vec{k} = \vec{0}$. Le champ est irrotationnel. Cherchons son potentiel $f$.
- On intègre la première équation par rapport à $x$ : $$ \frac{\partial f}{\partial x} = 2xy+z^2 \implies f(x,y,z) = \int (2xy+z^2) dx = x^2y + xz^2 + C(y,z) $$ La « constante » d’intégration peut dépendre des autres variables $y$ et $z$.
- On dérive ce résultat par rapport à $y$ et on l’identifie avec $F_2$ : $$ \frac{\partial f}{\partial y} = x^2 + \frac{\partial C}{\partial y}(y,z) $$ On doit avoir $\frac{\partial f}{\partial y} = F_2 = x^2$. Donc : $$ x^2 + \frac{\partial C}{\partial y}(y,z) = x^2 \implies \frac{\partial C}{\partial y}(y,z) = 0 $$ Cela signifie que $C$ ne dépend pas de $y$. Elle ne peut dépendre que de $z$. Notons-la $K(z)$.
- Notre potentiel a maintenant la forme $f(x,y,z) = x^2y + xz^2 + K(z)$. On dérive par rapport à $z$ et on identifie avec $F_3$ : $$ \frac{\partial f}{\partial z} = 2xz + K'(z) $$ On doit avoir $\frac{\partial f}{\partial z} = F_3 = 2xz$. Donc : $$ 2xz + K'(z) = 2xz \implies K'(z)=0 $$ Cela signifie que $K(z)$ est une constante, notons-la $C_0$.
Finalement, le potentiel scalaire est $f(x,y,z) = x^2y + xz^2 + C_0$.