Conditions d’Application du Théorème des Fonctions Implicites

Conditions d’Application du Théorème des Fonctions Implicites

Le théorème des fonctions implicites est un outil puissant, mais son application n’est pas automatique. Il ne garantit la possibilité d’expliciter une variable en fonction des autres que si certaines conditions de régularité et de non-dégénérescence sont remplies au point considéré.

1. Les Trois Conditions Clés

Pour pouvoir appliquer le théorème à une équation de la forme $g(x_1, \dots, x_p) = k$ au voisinage d’un point $a=(a_1, \dots, a_p)$ afin d’exprimer $x_p$ en fonction des autres variables, il faut vérifier trois conditions.

Conditions d’Application
  1. Régularité de la fonction : La fonction $g$ doit être de classe C¹ sur un voisinage ouvert du point $a$. Cela garantit que la courbe ou la surface définie par la contrainte est « lisse » (sans coin ni cassure) et possède un plan tangent bien défini.
  2. Le point est sur la courbe/surface : Le point $a$ doit vérifier l’équation de contrainte : $g(a) = k$. C’est le point autour duquel on cherche à définir la fonction implicite.
  3. Condition de non-dégénérescence (la plus importante) : La dérivée partielle de $g$ par rapport à la variable que l’on souhaite expliciter ne doit pas être nulle en ce point. Si l’on veut exprimer $x_p$ en fonction des autres, il faut que : $$ \frac{\partial g}{\partial x_p}(a) \neq 0 $$

2. Interprétation de la Condition Clé

La condition $\frac{\partial g}{\partial x_p}(a) \neq 0$ est la plus importante. Géométriquement, elle assure que la courbe ou la surface n’est pas « verticale » par rapport à l’axe de la variable que l’on veut expliciter.

[Image de la projection d’une courbe sur un axe]
  • Dans le cas d’une courbe $g(x,y)=k$ dans $\mathbb{R}^2$, la condition $\frac{\partial g}{\partial y}(a,b) \neq 0$ garantit que la tangente à la courbe en $(a,b)$ n’est pas verticale.
  • Dans le cas d’une surface $g(x,y,z)=k$ dans $\mathbb{R}^3$, la condition $\frac{\partial g}{\partial z}(a,b,c) \neq 0$ garantit que le plan tangent à la surface en $(a,b,c)$ n’est pas vertical (parallèle à l’axe $Oz$).

Si cette condition est respectée, la projection locale de la courbe/surface sur l’espace des autres variables est un difféomorphisme local, ce qui permet de « remonter » de manière unique pour trouver la coordonnée manquante.

3. Que se Passe-t-il si la Condition n’est pas Remplie ?

Si $\frac{\partial g}{\partial x_p}(a) = 0$, le théorème ne s’applique pas. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il est impossible de définir une fonction implicite, mais cela n’est plus garanti. Le point $a$ est alors un point singulier pour la projection sur l’espace des autres variables.

Exemple de la Lemniscate de Bernoulli

Soit la courbe d’équation $g(x,y) = (x^2+y^2)^2 – 2(x^2-y^2) = 0$.
On a $\frac{\partial g}{\partial y} = 2(x^2+y^2)(2y) – 2(-2y) = 4y(x^2+y^2+1)$.
Cette dérivée s’annule pour $y=0$. Les points de la courbe où $y=0$ sont $(0,0)$ et $(\pm \sqrt{2}, 0)$.

  • Aux points $(\pm \sqrt{2}, 0)$, la tangente est verticale et on ne peut pas définir $y$ comme fonction de $x$.
  • Au point $(0,0)$, on a un croisement. On ne peut pas non plus définir une fonction unique. De plus, on a aussi $\frac{\partial g}{\partial x}(0,0)=0$. C’est un point singulier de la courbe.