Connexité par Arcs dans Rⁿ
La connexité par arcs est une notion qui correspond plus directement à l’intuition de « d’un seul tenant ». Elle stipule que l’on peut voyager d’un point à un autre d’un ensemble en suivant un chemin continu qui reste entièrement dans cet ensemble. C’est une condition plus forte que la simple connexité topologique, mais dans de nombreux cas pratiques, notamment pour les ouverts de $\mathbb{R}^n$, les deux notions coïncident.
1. Définition Formelle
La définition repose sur la notion de « chemin » ou d' »arc » continu.
Soit $A$ un sous-ensemble de $\mathbb{R}^n$.
- Un chemin (ou arc) dans $A$ est une application continue $\gamma : [a, b] \to A$, où $[a,b]$ est un intervalle de $\mathbb{R}$. Par commodité, on utilise presque toujours l’intervalle de référence $[0, 1]$.
- On dit que le chemin $\gamma$ relie le point $x = \gamma(0)$ au point $y = \gamma(1)$.
- L’ensemble $A$ est dit connexe par arcs si pour toute paire de points $(x, y)$ dans $A$, il existe un chemin $\gamma : [0, 1] \to A$ qui les relie, c’est-à-dire tel que $\gamma(0) = x$ et $\gamma(1) = y$.
2. Lien avec la Connexité Topologique
La connexité par arcs est une condition plus restrictive que la connexité.
Toute partie de $\mathbb{R}^n$ qui est connexe par arcs est également connexe.
On raisonne par contraposée. Supposons qu’un ensemble $A$ connexe par arcs n’est pas connexe.
Alors, par définition, il existe deux ouverts $U$ et $V$ qui séparent $A$. On peut prendre un point $x \in A \cap U$ et un point $y \in A \cap V$.
Puisque $A$ est connexe par arcs, il existe un chemin continu $\gamma: [0, 1] \to A$ reliant $x$ à $y$.
L’image de ce chemin, $\gamma([0, 1])$, est un sous-ensemble de $A$. L’image d’un ensemble connexe (l’intervalle $[0, 1]$ est connexe) par une application continue est connexe. Donc, $\gamma([0, 1])$ est une partie connexe.
Cependant, $\gamma([0, 1])$ est aussi séparée par les ouverts $U$ et $V$, car son point de départ $x$ est dans $U$ et son point d’arrivée $y$ est dans $V$. Ceci est une contradiction.
Donc, $A$ doit être connexe.
La réciproque est fausse en général. L’exemple le plus célèbre est la courbe sinus du topologue, $S = \{ (x, \sin(1/x)) \mid x \in ]0, 1] \} \cup \{ (0, y) \mid y \in [-1, 1] \}$. Cet ensemble est connexe (c’est l’adhérence d’un connexe) mais il n’est pas connexe par arcs (il est impossible de relier un point de l’axe des ordonnées à un point de la courbe oscillante par un chemin continu).
3. Le Cas Important des Ouverts
Pour les ensembles ouverts de $\mathbb{R}^n$, la distinction entre les deux notions de connexité disparaît.
Un ensemble ouvert $U \subset \mathbb{R}^n$ est connexe si et seulement s’il est connexe par arcs.
Ce résultat est extrêmement utile car il est souvent beaucoup plus simple de prouver la connexité par arcs (en construisant explicitement des chemins) que la connexité topologique. Pour un ouvert, on peut souvent relier deux points par une ligne brisée.
4. Propriétés et Exemples
Parties Convexes et Étoilées
- Toute partie convexe $A$ de $\mathbb{R}^n$ est connexe par arcs. En effet, si $x, y \in A$, le segment $[x, y] = \{ (1-t)x + ty \mid t \in [0, 1] \}$ est entièrement contenu dans $A$. L’application $\gamma(t) = (1-t)x + ty$ est un chemin continu reliant $x$ à $y$.
- Les boules, les pavés, les sous-espaces affines sont donc connexes par arcs.
- Une partie $A$ est dite étoilée par rapport à un point $a_0 \in A$ si pour tout $x \in A$, le segment $[a_0, x]$ est inclus dans $A$. Toute partie étoilée est connexe par arcs (on peut relier deux points $x, y$ en passant par $a_0$ via les segments $[x, a_0]$ et $[a_0, y]$). [Image d’un domaine étoilé]
Autres Propriétés
- L’image d’un connexe par arcs par une application continue est un connexe par arcs.
- Une réunion de parties connexes par arcs dont l’intersection est non vide est connexe par arcs.
- Un produit cartésien d’ensembles $A_1 \times \dots \times A_p$ est connexe par arcs si et seulement si chaque $A_i$ est connexe par arcs.
5. Composantes Connexes par Arcs
La relation « il existe un chemin reliant $x$ à $y$ » est une relation d’équivalence sur un ensemble $A$. Les classes d’équivalence pour cette relation sont appelées les composantes connexes par arcs de $A$.
Les composantes connexes par arcs d’un ensemble $A$ sont les plus grandes parties de $A$ qui sont connexes par arcs. Elles forment une partition de $A$.
Exemple
Soit $A = B(0,1) \cup B((3,0), 1)$ dans $\mathbb{R}^2$ (deux disques ouverts disjoints).
Cet ensemble n’est pas connexe par arcs.
Ses composantes connexes par arcs sont les deux disques $B(0,1)$ et $B((3,0), 1)$.
Pour un ouvert de $\mathbb{R}^n$, les composantes connexes et les composantes connexes par arcs coïncident.