Théorème de Fubini-Tonelli
Contexte : Intégrales Multiples

Considérons une fonction de deux variables, $f(x,y)$, et deux espaces mesurés $(X, \mathcal{A}, \mu)$ et $(Y, \mathcal{B}, \nu)$. On peut définir une mesure produit sur l’espace $X \times Y$. L’intégrale de $f$ sur cet espace produit est notée $\int_{X \times Y} f(x,y) \, d(\mu \otimes \nu)$.

En pratique, il est souvent plus simple de calculer cette intégrale de manière itérée : d’abord intégrer par rapport à une variable, puis par rapport à l’autre. $$ \int_X \left( \int_Y f(x,y) \, d\nu \right) d\mu \quad \text{ou} \quad \int_Y \left( \int_X f(x,y) \, d\mu \right) d\nu $$ La question fondamentale est : sous quelles conditions ces trois intégrales (l’intégrale double et les deux intégrales itérées) sont-elles égales ? Le théorème de Fubini-Tonelli répond à cette question.

Théorème de Tonelli (pour les fonctions positives)

Soient $(X, \mathcal{A}, \mu)$ et $(Y, \mathcal{B}, \nu)$ deux espaces mesurés $\sigma$-finis. Soit $f: X \times Y \to [0, +\infty]$ une fonction mesurable et positive.

Alors, les trois intégrales suivantes sont égales (elles peuvent être finies ou infinies) : $$ \int_{X \times Y} f \, d(\mu \otimes \nu) = \int_X \left( \int_Y f(x,y) \, d\nu \right) d\mu = \int_Y \left( \int_X f(x,y) \, d\mu \right) d\nu $$

Théorème de Fubini (pour les fonctions intégrables)

Soient $(X, \mathcal{A}, \mu)$ et $(Y, \mathcal{B}, \nu)$ deux espaces mesurés $\sigma$-finis. Soit $f: X \times Y \to \mathbb{R}$ (ou $\mathbb{C}$) une fonction intégrable sur l’espace produit. Une fonction est intégrable si l’intégrale de sa valeur absolue est finie : $$ \int_{X \times Y} |f| \, d(\mu \otimes \nu) < +\infty $$

Alors, les deux intégrales itérées existent et sont égales à l’intégrale double : $$ \int_{X \times Y} f \, d(\mu \otimes \nu) = \int_X \left( \int_Y f(x,y) \, d\nu \right) d\mu = \int_Y \left( \int_X f(x,y) \, d\mu \right) d\nu $$

Utilisation Pratique et Distinction

En pratique, on utilise ces deux théorèmes en tandem.

  1. Étape 1 (Tonelli) : On considère la fonction $|f(x,y)|$. Comme elle est positive, on peut lui appliquer le théorème de Tonelli. On calcule l’une des intégrales itérées de $|f|$, par exemple $\int_X (\int_Y |f(x,y)| d\nu) d\mu$.
  2. Étape 2 (Vérification de l’intégrabilité) : Si le résultat de cette intégrale est fini, alors on sait que $f$ est intégrable.
  3. Étape 3 (Fubini) : Ayant prouvé que $f$ est intégrable, on peut maintenant appliquer le théorème de Fubini. On peut alors calculer l’intégrale de $f$ (sans la valeur absolue) en choisissant l’ordre d’intégration le plus simple. Le résultat obtenu sera la valeur correcte de l’intégrale double.

En résumé, Tonelli nous donne le droit d’intervertir les intégrales pour les fonctions positives (même si le résultat est infini), tandis que Fubini nous dit que si l’intégrale de la valeur absolue est finie, alors on peut intervertir les intégrales pour la fonction elle-même.