Diagonalisation Simultanée
Lemme : Stabilité des Sous-espaces Propres

Soient $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie, $u$ et $v$ deux endomorphismes de $E$ qui commutent ($u \circ v = v \circ u$). Alors, tout sous-espace propre de $u$ est stable par $v$.

Démonstration

Soit $\lambda \in K$ une valeur propre de $u$ et $E_\lambda$ le sous-espace propre associé. Nous devons montrer que pour tout $x \in E_\lambda$, on a $v(x) \in E_\lambda$.

Soit $x \in E_\lambda$. Par définition, $u(x) = \lambda x$. Appliquons $v$ à cette égalité : $v(u(x)) = v(\lambda x) = \lambda v(x)$.

Puisque $u$ et $v$ commutent, on a $v(u(x)) = u(v(x))$. En combinant les deux égalités, on obtient : $$ u(v(x)) = \lambda v(x) $$ Cette dernière relation signifie précisément que le vecteur $v(x)$ est un vecteur propre de $u$ pour la valeur propre $\lambda$, et donc que $v(x) \in E_\lambda$. Le sous-espace $E_\lambda$ est bien stable par $v$.

Théorème : Diagonalisation Simultanée

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie et $(u_i)_{i \in I}$ une famille d’endomorphismes de $E$. S’ils sont tous diagonalisables et qu’ils commutent deux à deux, alors il existe une base de $E$ dans laquelle les matrices de tous les endomorphismes $u_i$ sont diagonales.

On dit que les endomorphismes sont codiagonalisables ou simultanément diagonalisables.

Démonstration

On procède par récurrence sur la dimension $n$ de l’espace $E$.

Initialisation : Si $n=1$, tout endomorphisme est une homothétie, et sa matrice dans n’importe quelle base est diagonale. La propriété est donc vraie.

Hérédité : Supposons la propriété vraie pour tout espace de dimension strictement inférieure à $n$. Soit $(u_i)_{i \in I}$ une famille d’endomorphismes de $E$ (avec $\dim(E)=n$) qui commutent et sont diagonalisables.

Si tous les $u_i$ sont des homothéties, alors leurs matrices sont diagonales dans n’importe quelle base, et le résultat est acquis. Sinon, il existe au moins un endomorphisme, disons $u_{i_0}$, qui n’est pas une homothétie.

Comme $u_{i_0}$ est diagonalisable, $E$ est la somme directe de ses sous-espaces propres : $E = E_{\lambda_1} \oplus \dots \oplus E_{\lambda_r}$. Puisque $u_{i_0}$ n’est pas une homothétie, il a au moins deux valeurs propres distinctes, et donc pour chaque $k \in \{1, \dots, r\}$, on a $\dim(E_{\lambda_k}) < n$.

D’après le lemme, comme tous les $u_j$ commutent avec $u_{i_0}$, chaque sous-espace propre $E_{\lambda_k}$ est stable par tous les $u_j$. La restriction de chaque $u_j$ à $E_{\lambda_k}$, notée $u_{j,k}$, est un endomorphisme de $E_{\lambda_k}$. Cette famille d’endomorphismes restreints $(u_{j,k})_{j \in I}$ est encore constituée d’endomorphismes diagonalisables qui commutent deux à deux.

Puisque $\dim(E_{\lambda_k}) < n$, on peut appliquer l'hypothèse de récurrence à chaque sous-espace $E_{\lambda_k}$. Il existe donc pour chaque $k$ une base $\beta_k$ de $E_{\lambda_k}$ qui diagonalise simultanément tous les $u_{j,k}$.

La base $\beta = \beta_1 \cup \dots \cup \beta_r$ est une base de $E$ (car $E$ est la somme directe des $E_{\lambda_k}$). Par construction, cette base est constituée de vecteurs propres communs à tous les endomorphismes $u_j$. Par conséquent, la matrice de chaque $u_j$ dans la base $\beta$ est diagonale.

Corollaire

Soient $u_1, \dots, u_r$ des endomorphismes diagonalisables et commutant deux à deux. Alors toute combinaison linéaire $\lambda_1 u_1 + \dots + \lambda_r u_r$ est également diagonalisable.

Remarque

Le théorème et le corollaire s’appliquent de la même manière aux matrices. Une famille de matrices $(A_i)_{i \in I}$ diagonalisables qui commutent deux à deux est simultanément diagonalisable : il existe une même matrice inversible $P$ telle que $P^{-1}A_i P$ est diagonale pour tout $i \in I$.