Domaine de Définition et Graphe
Avant d’étudier les propriétés analytiques (continuité, dérivabilité) d’une fonction vectorielle, il est indispensable de bien cerner deux de ses caractéristiques fondamentales : l’ensemble sur lequel elle est définie et la manière de la visualiser.
1. Domaine de Définition
Le domaine de définition d’une fonction $f$ est le plus grand sous-ensemble de l’espace de départ pour lequel l’expression de $f(x)$ a un sens. Pour une fonction vectorielle $f = (f_1, \dots, f_n)$, un vecteur $x$ est dans le domaine de définition de $f$ si et seulement s’il est dans le domaine de définition de chacune de ses fonctions composantes.
Si $D_i$ est le domaine de définition de la fonction composante $f_i$, alors le domaine de définition $D$ de la fonction vectorielle $f$ est l’intersection de tous ces domaines : $$ D = \bigcap_{i=1}^n D_i $$
En pratique, pour trouver le domaine de définition, on identifie toutes les contraintes imposées par les composantes :
- Dénominateurs non nuls : L’expression sous une barre de fraction ne doit pas s’annuler.
- Arguments de racines carrées positifs ou nuls : L’expression sous une racine carrée doit être $\ge 0$.
- Arguments de logarithmes strictement positifs : L’expression dans un logarithme doit être $> 0$.
Exemple
Déterminer le domaine de définition de la fonction $f: \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^2$ définie par : $$ f(x, y) = \left( \frac{x+y}{x-y}, \sqrt{1 – x^2 – y^2} \right) $$
- La première composante $f_1(x, y) = \frac{x+y}{x-y}$ est définie si son dénominateur est non nul, c’est-à-dire $x – y \neq 0 \iff y \neq x$. Le domaine $D_1$ est le plan $\mathbb{R}^2$ privé de la droite d’équation $y=x$.
- La seconde composante $f_2(x, y) = \sqrt{1 – x^2 – y^2}$ est définie si l’expression sous la racine est positive ou nulle, c’est-à-dire $1 – x^2 – y^2 \ge 0 \iff x^2 + y^2 \le 1$. Le domaine $D_2$ est le disque unité fermé (centre 0, rayon 1).
Le domaine de définition $D$ de $f$ est l’intersection $D_1 \cap D_2$. C’est le disque unité fermé, privé des points qui se trouvent sur la première bissectrice. [Image du domaine de définition de la fonction f]
2. Graphe et Visualisation
Visualiser une fonction vectorielle est un défi, car la dimension de l’objet à représenter peut vite devenir trop grande pour notre perception.
Le graphe d’une fonction $f: A \subset \mathbb{R}^p \to \mathbb{R}^n$ est le sous-ensemble de l’espace produit $\mathbb{R}^p \times \mathbb{R}^n$ (qui est isomorphe à $\mathbb{R}^{p+n}$) défini par : $$ \text{Graphe}(f) = \{ (x, f(x)) \mid x \in A \} \subset \mathbb{R}^{p+n} $$
La possibilité de visualiser le graphe dépend de la dimension $p+n$.
- Si $p+n \le 3$, on peut visualiser le graphe directement.
- Si $p+n > 3$, c’est impossible. On utilise alors d’autres techniques de représentation.
Cas 1 : Fonctions scalaires de deux variables ($f: \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}$)
Ici, $p=2$ et $n=1$, donc $p+n=3$. Le graphe est une partie de $\mathbb{R}^3$ :
$$ \text{Graphe}(f) = \{ (x, y, f(x,y)) \mid (x,y) \in A \} $$
C’est une surface dans l’espace. C’est le cas le plus intuitif.
Exemple : Le graphe de $f(x,y) = x^2+y^2$ est un paraboloïde de révolution. [Image du graphe du paraboloïde f(x,y)=x^2+y^2]
Une autre technique de visualisation pour ces fonctions est de dessiner les lignes de niveau. Une ligne de niveau $c$ est l’ensemble des points $(x,y)$ du domaine tels que $f(x,y) = c$. Pour le paraboloïde, les lignes de niveau sont des cercles concentriques. [Image des lignes de niveau du paraboloïde f(x,y)=x^2+y^2]
Cas 2 : Arcs paramétrés ($f: \mathbb{R} \to \mathbb{R}^2$ ou $\mathbb{R}^3$)
Pour $f: I \subset \mathbb{R} \to \mathbb{R}^2$, on a $p=1, n=2$, donc $p+n=3$. Le graphe $\{ (t, f_1(t), f_2(t)) \mid t \in I \}$ est une courbe dans l’espace $\mathbb{R}^3$.
Cependant, on ne représente que très rarement ce graphe. On préfère représenter l’image de la fonction, c’est-à-dire l’ensemble $\{ f(t) \mid t \in I \} \subset \mathbb{R}^2$. C’est la trajectoire ou la courbe elle-même dans le plan.
Cas 3 : Champs de vecteurs ($f: \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}^2$)
Ici, $p=2$ et $n=2$, donc $p+n=4$. Le graphe vit dans $\mathbb{R}^4$ et est impossible à visualiser.
La technique de représentation consiste à dessiner, pour une sélection de points $(x,y)$ du domaine, le vecteur $f(x,y)$ en le faisant partir du point $(x,y)$. On obtient ainsi une « carte » du champ de vecteurs.
Exemple : Pour $f(x,y) = (-y, x)$, on dessine en chaque point $(x,y)$ un vecteur qui lui est orthogonal et de même norme, ce qui révèle un mouvement de rotation. [Image du champ de vecteurs f(x,y)=(-y,x)]