Introduction : Le Concept d’Action en Pratique
La définition d’une action de groupe est abstraite, mais sa puissance se révèle à travers des exemples concrets. En étudiant comment différents types de groupes agissent sur divers ensembles, nous pouvons visualiser et comprendre en profondeur des concepts comme les orbites, les stabilisateurs et les points fixes. Ces exemples sont la clé pour appliquer la théorie des groupes à des problèmes de géométrie, d’algèbre, de combinatoire et au-delà.
1. L’Action Naturelle du Groupe Symétrique
C’est l’exemple le plus fondamental. Le groupe symétrique $\mathcal{S}_n$ est, par définition, le groupe des permutations d’un ensemble à $n$ éléments.
- Groupe : $G = \mathcal{S}_n$.
- Ensemble : $X = \{1, 2, \dots, n\}$.
- Action : $\sigma \star k = \sigma(k)$.
- Orbites : L’action est transitive. Pour toute paire d’éléments $(i, j)$ dans $X$, la transposition $(i \ j)$ est une permutation dans $\mathcal{S}_n$ qui envoie $i$ sur $j$. Il n’y a donc qu’une seule orbite : $X$ tout entier.
- Stabilisateur : Le stabilisateur d’un élément $k$ est l’ensemble des permutations qui fixent $k$, i.e., $\text{Stab}(k) = \{\sigma \in \mathcal{S}_n \mid \sigma(k)=k\}$. Ces permutations ne réarrangent que les $n-1$ autres éléments. Ce sous-groupe est donc isomorphe à $\mathcal{S}_{n-1}$.
- Points fixes : L’ensemble des points fixes $X^G$ est vide (sauf si $n=1$), car aucune élément n’est fixé par toutes les permutations.
2. L’Action Géométrique du Groupe Diédral
Le groupe diédral $D_4$ est le groupe des isométries du carré. Il contient 8 éléments (4 rotations, 4 réflexions). Il peut agir sur différents ensembles liés au carré.
- Action sur les sommets $V=\{1,2,3,4\}$ : L’action est transitive. Le stabilisateur d’un sommet est un sous-groupe d’ordre 2 (l’identité et la réflexion par rapport à la diagonale passant par ce sommet). On vérifie bien que $|D_4| = |\text{Orb}(v)| \times |\text{Stab}(v)| \implies 8 = 4 \times 2$.
- Action sur les diagonales $D=\{d_1, d_2\}$ : Une rotation de 90° échange les deux diagonales. L’action est donc transitive. Le stabilisateur d’une diagonale (par ex. celle passant par les sommets 1 et 3) est l’ensemble des isométries qui la préserve globalement. Ce sont l’identité, la rotation de 180°, et les deux réflexions par rapport aux diagonales. C’est un sous-groupe d’ordre 4. On a bien $8 = 2 \times 4$.
3. Actions d’un Groupe sur Lui-même
Ces actions sont fondamentales car elles révèlent la structure interne du groupe.
- Action par Translation (à gauche) : $G$ agit sur $X=G$ par $g \star x = gx$. Comme nous l’avons déjà vu, cette action est transitive et fidèle (tous les stabilisateurs sont triviaux). C’est le fondement du théorème de Cayley.
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Action par Conjugaison : $G$ agit sur $X=G$ par $g \star x = gxg^{-1}$.
- Les orbites sont les classes de conjugaison.
- Le stabilisateur de $x$ est son centralisateur $C_G(x)$.
- Les points fixes sont les éléments du centre $Z(G)$.
4. Action d’un Groupe sur un Ensemble de Sous-Groupes
Un groupe $G$ peut aussi agir sur des ensembles dont les éléments sont eux-mêmes des sous-groupes.
- Action par conjugaison sur l’ensemble des sous-groupes : Soit $\mathcal{H}$ l’ensemble de tous les sous-groupes de $G$. $G$ agit sur $\mathcal{H}$ par conjugaison : $g \star H = gHg^{-1}$.
- L’orbite d’un sous-groupe $H$ est l’ensemble de tous ses conjugués.
- Le stabilisateur de $H$ est son normalisateur $N_G(H) = \{g \in G \mid gHg^{-1}=H\}$.
- Les points fixes de cette action sont les sous-groupes $H$ tels que $N_G(H)=G$. Ce sont précisément les sous-groupes distingués de $G$.
- Action par translation sur l’ensemble des classes à gauche : Soit $H$ un sous-groupe de $G$. Soit $X = G/H$ l’ensemble des classes à gauche de $G$ modulo $H$. $G$ agit sur $X$ par translation : $g \star (aH) = (ga)H$.
- Cette action est toujours transitive.
- Le stabilisateur de la classe $H$ est le sous-groupe $H$ lui-même.
Conclusion
Ces exemples illustrent la flexibilité et la puissance de la notion d’action de groupe. En choisissant judicieusement le groupe $G$ et l’ensemble $X$ sur lequel il agit, on peut traduire des problèmes complexes en questions sur les orbites et les stabilisateurs. Que l’on étudie les symétries d’un objet géométrique, la structure interne d’un groupe, ou des ensembles de sous-structures, les actions de groupe fournissent un langage unificateur et un ensemble d’outils d’analyse extraordinairement efficaces.