Fonctions de Classe Cᵏ : Définition et Hiérarchie de la Régularité

Définition des Fonctions de Classe Cᵏ

En analyse, il est souvent nécessaire de quantifier le degré de « régularité » d’une fonction. Une fonction peut être continue, mais pas dérivable. Elle peut être dérivable une fois, mais pas deux, etc. La notion de classe Cᵏ permet de classifier précisément les fonctions en fonction de l’ordre jusqu’auquel leurs dérivées partielles existent et sont continues.

1. Définition Formelle

La définition se construit par récurrence. Une fonction est de classe Cᵏ si ses dérivées sont de classe Cᵏ⁻¹.

Définition : Fonctions de Classe Cᵏ

Soit $f: U \subset \mathbb{R}^p \to \mathbb{R}^n$ une fonction définie sur un ouvert $U$, et $k$ un entier naturel.

  • Classe C⁰ : On dit que $f$ est de classe C⁰ sur $U$, noté $f \in \mathcal{C}^0(U)$, si $f$ est continue sur $U$.
  • Classe Cᵏ (pour $k \ge 1$) : On dit que $f$ est de classe Cᵏ sur $U$, noté $f \in \mathcal{C}^k(U)$, si :
    1. Toutes ses dérivées partielles $\frac{\partial f}{\partial x_i}$ existent sur $U$.
    2. Chacune de ces dérivées partielles est elle-même une fonction de classe Cᵏ⁻¹ sur $U$.
  • Classe C : On dit que $f$ est de classe C (ou lisse) sur $U$ si elle est de classe Cᵏ pour tout entier $k \ge 0$.

Définition Équivalente

Une manière équivalente et plus directe de définir la classe Cᵏ est la suivante :
Une fonction $f$ est de classe Cᵏ sur $U$ si toutes ses dérivées partielles jusqu’à l’ordre $k$ (inclus) existent et sont des fonctions continues sur $U$.

2. La Hiérarchie des Classes de Régularité

Ces classes forment une hiérarchie d’ensembles emboîtés. Plus $k$ est grand, plus la condition est forte, et donc plus l’ensemble des fonctions est petit.

Inclusions des Espaces Cᵏ

Pour tout $k \ge 1$, si une fonction est de classe Cᵏ, alors elle est aussi de classe Cᵏ⁻¹. On a la chaîne d’inclusions strictes suivante : $$ \mathcal{C}^\infty(U) \subset \dots \subset \mathcal{C}^2(U) \subset \mathcal{C}^1(U) \subset \mathcal{C}^0(U) $$

[Image d’un diagramme de Venn avec des ensembles emboîtés pour C⁰, C¹, C²]
  • $f \in \mathcal{C}^1(U) \implies f$ est différentiable sur $U \implies f$ est continue sur $U$ ($f \in \mathcal{C}^0(U)$).
  • $f \in \mathcal{C}^2(U) \implies$ Le théorème de Schwarz s’applique, et la matrice Hessienne est symétrique.

3. Stabilité des Classes Cᵏ

Les ensembles de fonctions de classe Cᵏ sont stables pour les opérations algébriques usuelles et pour la composition.

  • Somme et produit : Si $f, g$ sont de classe Cᵏ, alors $f+g$ et $f \cdot g$ le sont aussi.
  • Quotient : Si $f, g$ sont de classe Cᵏ, $f/g$ est de classe Cᵏ sur l’ouvert où $g$ ne s’annule pas.
  • Composition : Si $f: U \to V$ est de classe Cᵏ et $g: V \to W$ est de classe Cᵏ, alors la composée $g \circ f$ est de classe Cᵏ.

Conséquence Pratique

Toutes les fonctions construites à partir de fonctions usuelles (polynômes, exponentielle, sinus, cosinus, logarithme, racines) par ces opérations sont de classe C sur leur domaine de définition. C’est le cas de la grande majorité des fonctions rencontrées en physique et en ingénierie.
Par exemple, la fonction $f(x,y) = e^{xy} \ln(1+x^2)$ est de classe C sur $\mathbb{R}^2$.

4. Contre-Exemple : une Fonction C¹ non C²

Considérons la fonction d’une variable $f: \mathbb{R} \to \mathbb{R}$ : $$ f(x) = \begin{cases} x^3 \sin(1/x) & \text{si } x \neq 0 \\ 0 & \text{si } x = 0 \end{cases} $$

  • On peut montrer que $f$ est dérivable en 0 et que $f'(0)=0$.
  • Pour $x \neq 0$, $f'(x) = 3x^2\sin(1/x) – x\cos(1/x)$.
  • La fonction $f’$ est continue en 0 car $\lim_{x \to 0} f'(x) = 0 = f'(0)$. Donc $f$ est de classe C¹.
  • Calculons la dérivée seconde pour $x \neq 0$. Elle contient un terme en $\sin(1/x)/x$ qui n’a pas de limite en 0. La dérivée seconde n’est donc pas continue en 0.
    La fonction $f$ n’est donc pas de classe C².