Bases Orthogonales
Définition : Base Orthogonale

Soit $E$ un K-espace vectoriel de dimension finie $n$ et $f$ une forme bilinéaire symétrique sur $E$. Une base $(e_1, e_2, \dots, e_n)$ de $E$ est dite orthogonale pour la forme $f$ si ses vecteurs sont deux à deux orthogonaux : $$ \forall i \neq j, \quad f(e_i, e_j) = 0 $$

Remarque

L’intérêt majeur d’une base orthogonale est la simplification de l’expression de la forme bilinéaire. Si $\beta = (e_1, \dots, e_n)$ est une base orthogonale, la matrice de $f$ dans cette base est une matrice diagonale.

Pour deux vecteurs $x = \sum x_i e_i$ et $y = \sum y_i e_i$, l’expression de $f(x,y)$ devient une simple somme : $$ f(x,y) = \sum_{i=1}^n f(e_i, e_i) x_i y_i $$ En particulier, l’expression de la forme quadratique associée $q(x) = f(x,x)$ est une somme de carrés pondérée : $$ q(x) = \sum_{i=1}^n f(e_i, e_i) x_i^2 $$

Lemme Clé

Soit $f$ une forme bilinéaire symétrique sur un K-espace vectoriel $E$ (où la caractéristique de $K$ est différente de 2). La forme $f$ est identiquement nulle si et seulement si sa forme quadratique associée est nulle. $$ f = 0 \iff \forall x \in E, f(x,x) = 0 $$

Démonstration du Lemme

Le sens direct est évident. Pour la réciproque, supposons que $f(x,x)=0$ pour tout $x \in E$. En utilisant l’identité de polarisation (ou l’identité $f(x+y,x+y) = f(x,x) + 2f(x,y) + f(y,y)$), on a : $$ f(x+y, x+y) = 0 $$ $$ f(x,x) + 2f(x,y) + f(y,y) = 0 $$ $$ 0 + 2f(x,y) + 0 = 0 $$ Comme la caractéristique de $K$ est différente de 2, on peut diviser par 2 pour obtenir $f(x,y)=0$. Ceci étant vrai pour tous $x,y$, la forme $f$ est identiquement nulle.

Théorème : Existence d’une Base Orthogonale

Toute forme bilinéaire symétrique sur un K-espace vectoriel de dimension finie possède au moins une base orthogonale.

Démonstration du Théorème

On procède par récurrence sur la dimension $n$ de l’espace $E$.

Initialisation (n=1) : Si $\dim(E)=1$, toute base constituée d’un unique vecteur non nul est trivialement orthogonale.

Hérédité : Supposons que la propriété est vraie pour tout espace de dimension $n-1$. Soit $E$ un espace de dimension $n$ et $f$ une forme bilinéaire symétrique sur $E$.

  • Si $f$ est la forme nulle, toute base de $E$ est orthogonale.
  • Si $f$ n’est pas la forme nulle, d’après le lemme précédent, il existe au moins un vecteur $e_1 \in E$ tel que $f(e_1, e_1) \neq 0$. Ce vecteur $e_1$ est donc non isotrope.

Considérons le sous-espace $F = Vect(e_1)$. Comme $e_1$ est non isotrope, $F$ est non isotrope. D’après un théorème précédent, on a la décomposition en somme directe : $E = F \oplus F^\perp$.

Le sous-espace $F^\perp$ est de dimension $n-1$. La restriction de $f$ à $F^\perp$ est une forme bilinéaire symétrique. Par hypothèse de récurrence, il existe une base orthogonale $(e_2, \dots, e_n)$ de $F^\perp$.

La famille $\beta = (e_1, e_2, \dots, e_n)$ est une base de $E$ car c’est la réunion d’une base de $F$ et d’une base de son supplémentaire $F^\perp$. De plus, cette base est orthogonale :

  • Pour $i,j \in \{2, \dots, n\}$ avec $i \neq j$, on a $f(e_i, e_j)=0$ car la base de $F^\perp$ est orthogonale.
  • Pour $j \in \{2, \dots, n\}$, on a $f(e_1, e_j)=0$ par définition de $F^\perp$ (puisque $e_j \in F^\perp$).

La base $\beta$ est donc une base orthogonale de $E$.