Idéal Engendré par une Partie

Introduction : Construire des Idéaux

En algèbre, une méthode de construction fondamentale consiste à partir d’un ensemble d’éléments et à trouver la plus petite structure (groupe, espace vectoriel, anneau…) qui les contient. Pour les idéaux, cette notion est tout aussi cruciale. Si nous avons une partie $S$ d’un anneau $A$, on peut se demander quel est le « plus petit » idéal de $A$ qui contient tous les éléments de $S$.

Cet idéal, appelé idéal engendré par $S$, représente l’ensemble de toutes les conséquences algébriques des éléments de $S$ au sein de l’anneau, dans le respect de la structure d’idéal. C’est un concept central pour construire et décrire les idéaux d’un anneau.

Définition : Idéal Engendré

Soit $A$ un anneau et $S$ une partie (un sous-ensemble) de $A$. L’idéal engendré par $S$, noté $(S)$ ou $\langle S \rangle$, est défini de deux manières équivalentes :

  1. Définition « par le haut » : C’est l’intersection de tous les idéaux de $A$ qui contiennent $S$. C’est le plus petit idéal de $A$ contenant $S$.
  2. Définition « par le bas » (constructive) : C’est l’ensemble de toutes les sommes finies d’éléments de la forme $a \cdot s \cdot b$, où $s \in S$ et $a,b \in A$. Dans le cas général, on doit considérer toutes les combinaisons pour garantir la stabilité à gauche et à droite.
Cas d’un Anneau Commutatif

La description constructive se simplifie grandement si l’anneau $A$ est commutatif. Dans ce cas, l’idéal engendré par une partie $S = \{s_1, s_2, \dots, s_k, \dots\}$ est l’ensemble de toutes les combinaisons linéaires finies d’éléments de $S$ à coefficients dans $A$ : $$ (S) = \left\{ \sum_{i=1}^n a_i s_i \mid n \in \mathbb{N}, a_i \in A, s_i \in S \right\} $$

Cas Particuliers Importants

1. Idéal Principal

C’est le cas le plus simple et le plus important, où la partie génératrice $S$ est un singleton, $S=\{x\}$.

Définition : Idéal Principal

Un idéal est dit principal s’il peut être engendré par un seul élément. L’idéal engendré par $x$ est noté $(x)$.

Dans un anneau commutatif $A$, l’idéal principal engendré par $x$ est simplement l’ensemble de tous les multiples de $x$ : $$ (x) = \{ a \cdot x \mid a \in A \} $$

Un anneau où tous les idéaux sont principaux est appelé un anneau principal. L’anneau $(\mathbb{Z},+, \times)$ en est l’exemple le plus célèbre.

2. Idéal de Type Fini

Un idéal est de type fini s’il peut être engendré par un nombre fini d’éléments.

Définition : Idéal de Type Fini

Un idéal $I$ est dit de type fini s’il existe une partie finie $S=\{x_1, \dots, x_n\}$ telle que $I=(S)$. On note alors $I=(x_1, \dots, x_n)$.

Dans un anneau commutatif, on a : $$ (x_1, \dots, x_n) = \{ a_1 x_1 + \dots + a_n x_n \mid a_i \in A \} $$ On peut aussi voir cet idéal comme la somme des idéaux principaux correspondants : $(x_1, \dots, x_n) = (x_1) + \dots + (x_n)$.

Un anneau dans lequel tout idéal est de type fini est appelé un anneau noethérien, une classe d’anneaux extrêmement importante en algèbre commutative.

Exemples Concrets

  • Dans $\mathbb{Z}$ : Considérons l’idéal engendré par $S=\{6, 10\}$. C’est l’ensemble de toutes les combinaisons linéaires $6a+10b$ avec $a,b \in \mathbb{Z}$. D’après le théorème de Bachet-Bézout, cet ensemble est précisément l’ensemble des multiples du PGCD de 6 et 10.
    Comme $\text{pgcd}(6,10) = 2$, on a $(6, 10) = (2) = 2\mathbb{Z}$. C’est un idéal principal.
  • Dans l’anneau de polynômes $K[X,Y]$ : Soit $K$ un corps. Considérons l’idéal $I = (X, Y)$. C’est l’ensemble des polynômes de la forme $P(X,Y) \cdot X + Q(X,Y) \cdot Y$. Un polynôme appartient à cet idéal si et seulement si son terme constant est nul.
    Cet idéal n’est pas principal. S’il l’était, il serait engendré par un polynôme $D(X,Y)$. Alors $X$ et $Y$ devraient être des multiples de $D$. Cela implique que $D$ doit être un diviseur commun de $X$ et $Y$. Les seuls diviseurs communs sont les constantes non nulles. Si $D=c \in K^*$, alors $(c)=K[X,Y]$ tout entier, ce qui est faux (par exemple, le polynôme constant 1 n’a pas de terme constant nul). Donc, $K[X,Y]$ n’est pas un anneau principal.

Conclusion

La notion d’idéal engendré est un outil de construction puissant et flexible. Elle permet de décrire des idéaux complexes à partir d’un petit nombre de générateurs. La distinction entre les idéaux principaux et ceux qui ne le sont pas, ainsi que la propriété pour un anneau d’avoir tous ses idéaux de type fini (noethérianité), sont des concepts structurants qui permettent de classifier les anneaux et de comprendre leur structure arithmétique.