Indépendance du Chemin d’Intégration
Pour une intégrale curviligne d’un champ de vecteurs, $\int_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r}$, le résultat dépend en général de la courbe $\mathcal{C}$ suivie pour aller d’un point A à un point B. Cependant, pour une classe très importante de champs de vecteurs, les champs conservatifs, l’intégrale ne dépend que des points de départ et d’arrivée, et non du chemin emprunté. On parle alors d’indépendance du chemin.
[Image de deux chemins différents entre deux points dans un champ de vecteurs]1. Le Théorème Fondamental des Intégrales Curvilignes
Ce théorème est l’analogue direct du théorème fondamental de l’analyse ($\int_a^b g'(x)dx = g(b)-g(a)$) pour les intégrales de ligne. Il relie l’intégrale d’un champ de gradient à la différence de valeur de son potentiel scalaire.
Soit $\mathcal{C}$ une courbe lisse paramétrée par $\vec{r}(t)$ de $t=a$ à $t=b$, allant d’un point $A=\vec{r}(a)$ à un point $B=\vec{r}(b)$.
Si $\vec{F}$ est un champ de vecteurs continu qui est le gradient d’une fonction scalaire $f$ (c’est-à-dire $\vec{F} = \nabla f$), alors :
$$ \int_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r} = \int_\mathcal{C} \nabla f \cdot d\vec{r} = f(B) – f(A) $$
Ce théorème est capital : si un champ de vecteurs dérive d’un potentiel $f$, le calcul de sa circulation se réduit à la simple évaluation de $f$ aux extrémités du chemin, ce qui évite toute paramétrisation et intégration complexe.
2. Les Conditions d’Équivalence
Plusieurs propriétés sont équivalentes pour un champ de vecteurs $\vec{F}$ de classe C¹ sur un domaine simplement connexe (un domaine « sans trou »).
- $\vec{F}$ est conservatif : il existe une fonction potentiel $f$ telle que $\vec{F} = \nabla f$.
- L’intégrale curviligne de $\vec{F}$ est indépendante du chemin : pour tous points A et B, $\int_{\mathcal{C}_1} \vec{F} \cdot d\vec{r} = \int_{\mathcal{C}_2} \vec{F} \cdot d\vec{r}$ pour deux chemins quelconques $\mathcal{C}_1, \mathcal{C}_2$ allant de A à B.
- La circulation de $\vec{F}$ sur toute courbe fermée (une boucle) est nulle : $\oint_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r} = 0$.
- $\vec{F}$ est irrotationnel : $\text{rot } \vec{F} = \vec{0}$.
3. Méthodologie Pratique
Pour calculer $\int_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r}$ d’un point A à un point B :
- Tester si le champ est conservatif : On calcule $\text{rot } \vec{F}$. Si le résultat est $\vec{0}$ (et que le domaine est simplement connexe), le champ est conservatif et l’intégrale est indépendante du chemin.
- Trouver le potentiel $f$ : Si le champ est conservatif, on cherche une fonction $f$ telle que $\nabla f = \vec{F}$ en intégrant les composantes de $\vec{F}$.
- Appliquer le théorème fondamental : Le résultat de l’intégrale est simplement $f(B) – f(A)$.
Exemple Détaillé
Calculer l’intégrale du champ $\vec{F}(x,y) = (e^x\cos y, -e^x\sin y)$ le long de la parabole $y=x^2$ du point $A(0,0)$ au point $B(1,1)$.
- Test du rotationnel (en 2D, $\frac{\partial Q}{\partial x} – \frac{\partial P}{\partial y}$) : $$ \frac{\partial Q}{\partial x} = \frac{\partial}{\partial x}(-e^x\sin y) = -e^x\sin y $$ $$ \frac{\partial P}{\partial y} = \frac{\partial}{\partial y}(e^x\cos y) = -e^x\sin y $$ Puisque $\frac{\partial Q}{\partial x} = \frac{\partial P}{\partial y}$, le champ est conservatif.
- Recherche du potentiel $f(x,y)$ :
- $\frac{\partial f}{\partial x} = e^x\cos y \implies f(x,y) = \int e^x\cos y \,dx = e^x\cos y + C(y)$.
- On dérive par rapport à $y$ : $\frac{\partial f}{\partial y} = -e^x\sin y + C'(y)$.
- On identifie avec la deuxième composante de $\vec{F}$ : $-e^x\sin y + C'(y) = -e^x\sin y \implies C'(y)=0$.
- Donc $C(y)$ est une constante. On peut la choisir nulle. Le potentiel est $f(x,y) = e^x\cos y$.
- Calcul de l’intégrale : L’intégrale ne dépend pas de la parabole, mais seulement des points A et B. $$ \int_\mathcal{C} \vec{F} \cdot d\vec{r} = f(B) – f(A) = f(1,1) – f(0,0) $$ $$ = (e^1\cos 1) – (e^0\cos 0) = e\cos 1 – 1 $$
Ce calcul est infiniment plus simple que de paramétrer la parabole et de calculer l’intégrale directement.