Définition de la Différentielle
Les dérivées partielles nous renseignent sur le comportement d’une fonction uniquement dans les directions des axes. Pour capturer la variation de la fonction dans toutes les directions, il faut un outil plus puissant : la différentielle. L’idée fondamentale est de chercher la meilleure approximation linéaire d’une fonction au voisinage d’un point.
1. De la Dérivée à la Différentielle
Pour une fonction d’une variable $g: \mathbb{R} \to \mathbb{R}$, dire qu’elle est dérivable en $a$ signifie qu’il existe un nombre $g'(a)$ tel que : $$ g(a+h) = g(a) + g'(a)h + o(h) $$ L’application $h \mapsto g'(a)h$ est une application linéaire de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{R}$. C’est cette idée d’approximation par une application linéaire que l’on généralise.
Soit $f: U \subset \mathbb{R}^p \to \mathbb{R}^n$ une fonction définie sur un ouvert $U$, et soit $a \in U$.
On dit que $f$ est différentiable au point $a$ s’il existe une application linéaire $L: \mathbb{R}^p \to \mathbb{R}^n$ telle que :
$$ f(a+h) = f(a) + L(h) + o(\|h\|) \quad \text{quand } h \to 0 $$
Cela signifie que $f(a+h) – f(a) – L(h)$ est une quantité négligeable devant $\|h\|$ au voisinage de 0. La notation $o(\|h\|)$ (lire « petit o de norme de h ») formalise cela : $$ \lim_{h \to 0} \frac{\|f(a+h) – f(a) – L(h)\|}{\|h\|} = 0 $$
L’application linéaire $L$ est alors unique. Elle est appelée la différentielle de $f$ au point $a$, et on la note $df_a$.
2. Lien avec les Dérivées Partielles : la Matrice Jacobienne
Comment trouver cette fameuse application linéaire $L = df_a$ en pratique ? Le théorème suivant établit le lien fondamental entre la différentielle et les dérivées partielles.
Si une fonction $f: U \to \mathbb{R}^n$ est différentiable en un point $a$, alors :
- Toutes ses dérivées partielles $\frac{\partial f}{\partial x_i}(a)$ existent.
- La matrice de l’application linéaire $df_a$ dans les bases canoniques de $\mathbb{R}^p$ et $\mathbb{R}^n$ est précisément la matrice jacobienne de $f$ en $a$. $$ \text{Mat}(df_a) = J_f(a) $$
Ainsi, l’action de la différentielle sur un vecteur $h = (h_1, \dots, h_p)$ est donnée par le produit matriciel : $$ df_a(h) = J_f(a) \cdot h = \sum_{i=1}^p \frac{\partial f}{\partial x_i}(a) h_i $$
3. Interprétation Géométrique : Le Plan Tangent
Pour une fonction scalaire $f: \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}$, la différentielle a une interprétation géométrique très forte. Le graphe de $f$ est une surface $S$ d’équation $z = f(x,y)$.
L’approximation linéaire au voisinage d’un point $a=(x_0, y_0)$ s’écrit : $$ f(x_0+h_1, y_0+h_2) \approx f(x_0, y_0) + \frac{\partial f}{\partial x}(x_0, y_0)h_1 + \frac{\partial f}{\partial y}(x_0, y_0)h_2 $$ Si on pose $x=x_0+h_1$ et $y=y_0+h_2$, l’équation du graphe de cette approximation est : $$ z = f(x_0, y_0) + \frac{\partial f}{\partial x}(x_0, y_0)(x-x_0) + \frac{\partial f}{\partial y}(x_0, y_0)(y-y_0) $$ C’est l’équation d’un plan qui passe par le point $(x_0, y_0, f(x_0, y_0))$ et qui « colle » au mieux à la surface en ce point.
Si $f: \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}$ est différentiable en $(x_0, y_0)$, le plan tangent au graphe de $f$ au point $(x_0, y_0, f(x_0, y_0))$ est le plan d’équation : $$ z = f(x_0, y_0) + \nabla f(x_0, y_0) \cdot (x-x_0, y-y_0) $$
4. Différentiabilité et Classe C¹
Le simple fait que les dérivées partielles existent ne suffit pas à garantir la différentiabilité. Cependant, le lien est établi par le théorème fondamental du calcul différentiel.
Si une fonction $f$ est de classe C¹ sur un ouvert $U$, alors elle est différentiable en tout point de $U$.
C’est la méthode la plus courante pour prouver qu’une fonction est différentiable. On calcule ses dérivées partielles et on montre qu’elles sont continues.