Le Lien entre les Théorèmes de Green, Stokes et Gauss : Une Théorie Unifiée

Lien entre les Trois Grands Théorèmes de l’Analyse Vectorielle

Le théorème de Green-Riemann, le théorème de Stokes et le théorème de Gauss-Ostrogradsky sont trois des résultats les plus importants de l’analyse vectorielle. À première vue, ils semblent décrire des situations différentes :

  • Green-Riemann : Relie une intégrale double sur un domaine plan à une intégrale curviligne sur son bord.
  • Stokes : Relie une intégrale de surface (flux du rotationnel) à une intégrale curviligne sur son bord.
  • Gauss-Ostrogradsky : Relie une intégrale triple (de la divergence) à une intégrale de surface (flux) sur son bord.

Cependant, ces trois théorèmes ne sont que des manifestations, dans des dimensions différentes, d’un seul et unique théorème plus général et d’une beauté remarquable : le théorème de Stokes généralisé.

1. Le Principe Unificateur

Tous ces théorèmes partagent la même philosophie fondamentale, qui est l’une des idées les plus profondes des mathématiques :

Idée Centrale

L’intégrale d’une « dérivée » d’une fonction (ou d’un champ) sur un domaine est égale à l’intégrale de la fonction elle-même sur la frontière (le bord) de ce domaine.

2. Le Théorème de Stokes Généralisé

Pour exprimer cette idée de manière unifiée, on utilise le langage des formes différentielles et de la dérivée extérieure ($d$). Dans ce formalisme, le gradient, le rotationnel et la divergence sont tous des aspects différents du même opérateur $d$. Le théorème s’écrit alors sous une forme incroyablement compacte :

Théorème de Stokes Généralisé

Soit $M$ une région (variété) et $\partial M$ sa frontière. Soit $\omega$ un objet mathématique (une forme différentielle) que l’on peut intégrer sur la frontière. Alors : $$ \int_M d\omega = \int_{\partial M} \omega $$

3. Les Trois Théorèmes comme Cas Particuliers

Voyons comment cette formule unique redonne chacun des théorèmes classiques.

Cas 1 : Théorème de Green-Riemann

$$ \oint_{\partial D} \underbrace{P\,dx + Q\,dy}_{\omega} = \iint_D \underbrace{\left(\frac{\partial Q}{\partial x} – \frac{\partial P}{\partial y}\right) dA}_{d\omega} $$

  • Le domaine $M$ est une surface plane $D$.
  • Sa frontière $\partial M$ est une courbe fermée $\mathcal{C}$.
  • L’objet $\omega$ est une 1-forme (un champ de vecteurs plan).
  • Sa « dérivée » $d\omega$ est la composante $z$ du rotationnel.

Cas 2 : Théorème de Stokes (classique)

$$ \oint_{\partial S} \underbrace{\vec{F} \cdot d\vec{r}}_{\omega} = \iint_S \underbrace{(\text{rot } \vec{F}) \cdot d\vec{S}}_{d\omega} $$

  • Le domaine $M$ est une surface $S$ dans l’espace.
  • Sa frontière $\partial M$ est une courbe fermée $\mathcal{C}$ dans l’espace.
  • L’objet $\omega$ est une 1-forme (la circulation d’un champ $\vec{F}$).
  • Sa « dérivée » $d\omega$ est le flux du rotationnel de $\vec{F}$.

On voit que le théorème de Green-Riemann est simplement le théorème de Stokes appliqué à une surface plate contenue dans le plan $(x,y)$.

Cas 3 : Théorème de Gauss-Ostrogradsky (Flux-Divergence)

$$ \iint_{\partial E} \underbrace{\vec{F} \cdot d\vec{S}}_{\omega} = \iiint_E \underbrace{(\text{div } \vec{F}) \,dV}_{d\omega} $$

  • Le domaine $M$ est un volume $E$ dans l’espace.
  • Sa frontière $\partial M$ est une surface fermée $S$.
  • L’objet $\omega$ est une 2-forme (le flux d’un champ $\vec{F}$).
  • Sa « dérivée » $d\omega$ est l’intégrale de la divergence de $\vec{F}$.

4. Tableau Synoptique

Théorème Domaine $M$ (dim k) Frontière $\partial M$ (dim k-1) Forme $\omega$ « Dérivée » $d\omega$
Fondamental (1D) Intervalle $[a,b]$ Points $\{b\}-\{a\}$ Fonction $f$ $f'(x)dx$ (Dérivée)
Green-Riemann (2D) Surface plane $D$ Courbe fermée $\mathcal{C}$ Champ $\vec{F}$ (circulation) $(\text{rot }\vec{F})_z$
Stokes (3D) Surface $S$ Courbe fermée $\mathcal{C}$ Champ $\vec{F}$ (circulation) $\text{rot }\vec{F}$ (flux)
Gauss (3D) Volume $E$ Surface fermée $S$ Champ $\vec{F}$ (flux) $\text{div }\vec{F}$