Le Théorème des Fonctions Implicites : Théorie et Applications

Le Théorème des Fonctions Implicites

Le théorème des fonctions implicites est un résultat fondamental du calcul différentiel. Il répond à la question suivante : si une ou plusieurs variables sont liées par une équation de la forme $g(x,y)=k$, peut-on « résoudre » cette équation pour exprimer l’une des variables en fonction des autres, par exemple $y=\phi(x)$ ? Le théorème nous dit que c’est possible localement, à condition qu’une certaine condition de non-dégénérescence (une dérivée partielle non nulle) soit vérifiée.

1. Le Cas Intuitif en Dimension 2

Considérons une courbe dans le plan définie par une équation $g(x,y)=k$. On cherche à savoir si, au voisinage d’un point $(a,b)$ de cette courbe, on peut voir la courbe comme le graphe d’une fonction $y=\phi(x)$.
Géométriquement, cela échoue si la tangente à la courbe en $(a,b)$ est verticale. En un tel point, la courbe ne passe pas le « test de la ligne verticale » et ne peut pas être le graphe d’une fonction de $x$. Une tangente verticale signifie que la « pente » $dy/dx$ est infinie.

[Image d’une courbe avec une tangente verticale]

Le théorème formalise cette idée : la condition qui empêche la tangente d’être verticale est précisément $\frac{\partial g}{\partial y}(a,b) \neq 0$.

Théorème des Fonctions Implicites (cas 2D)

Soit $g: U \subset \mathbb{R}^2 \to \mathbb{R}$ une fonction de classe C¹ sur un ouvert $U$. Soit $(a,b) \in U$ un point tel que $g(a,b)=k$.
Si $\frac{\partial g}{\partial y}(a,b) \neq 0$, alors il existe un voisinage ouvert $V$ de $a$ et une unique fonction $\phi: V \to \mathbb{R}$ de classe C¹ telle que $b=\phi(a)$ et : $$ \forall x \in V, \quad g(x, \phi(x)) = k $$ De plus, la dérivée de cette fonction implicite est donnée par : $$ \phi'(x) = – \frac{\frac{\partial g}{\partial x}(x, \phi(x))}{\frac{\partial g}{\partial y}(x, \phi(x))} $$

2. Le Cas Général

Le théorème se généralise à un plus grand nombre de variables.

Théorème des Fonctions Implicites (cas général)

Soit $g: U \subset \mathbb{R}^{p-1} \times \mathbb{R} \to \mathbb{R}$ une fonction de classe C¹. Soit $(a,b) \in U$ (avec $a \in \mathbb{R}^{p-1}, b \in \mathbb{R}$) un point tel que $g(a,b)=k$.
Si la dérivée partielle de $g$ par rapport à sa dernière variable est non nulle en ce point ($\frac{\partial g}{\partial x_p}(a,b) \neq 0$), alors il existe un voisinage $V$ de $a$ et une fonction $\phi: V \to \mathbb{R}$ de classe C¹ telle que : $$ g(x, \phi(x)) = k \quad \text{pour tout } x \in V $$ Les dérivées partielles de $\phi$ sont données par : $$ \frac{\partial \phi}{\partial x_j}(x) = – \frac{\frac{\partial g}{\partial x_j}(x, \phi(x))}{\frac{\partial g}{\partial x_p}(x, \phi(x))} $$

3. Applications

Calcul de Dérivées Implicites

Le théorème permet de calculer la dérivée d’une fonction définie implicitement sans avoir à la résoudre explicitement.

Exemple

La courbe d’équation $x^3+y^3-3xy=0$ définit localement $y$ comme une fonction de $x$, $y=\phi(x)$, sauf aux points où la tangente est verticale. Calculons $\phi'(x)$.
On pose $g(x,y)=x^3+y^3-3xy$. $$ \frac{\partial g}{\partial x} = 3x^2-3y, \quad \frac{\partial g}{\partial y} = 3y^2-3x $$ La formule donne : $$ \phi'(x) = -\frac{3x^2-3y}{3y^2-3x} = -\frac{x^2-y}{y^2-x} $$ où $y$ est lui-même une fonction de $x$.

Justification de la Méthode de Lagrange

Comme nous l’avons vu précédemment, le théorème des fonctions implicites est le pilier théorique qui justifie la méthode des multiplicateurs de Lagrange. Il permet de transformer localement un problème d’optimisation contraint en un problème d’optimisation libre, et la dérivation de la fonction composée qui en résulte mène directement à la condition de colinéarité des gradients.