Opérateur Rotationnel d’un Champ de Vecteurs
Le rotationnel est le second opérateur différentiel majeur appliqué aux champs de vecteurs. Contrairement à la divergence qui produit un champ scalaire, le rotationnel agit sur un champ de vecteurs (dans $\mathbb{R}^3$) et produit un autre champ de vecteurs. Ce nouveau vecteur mesure la tendance du champ initial à « tourbillonner » localement autour d’un point.
1. Définition Formelle (en 3D)
Le rotationnel est défini spécifiquement pour les champs de vecteurs dans l’espace tridimensionnel. On peut le voir comme le « produit vectoriel » formel de l’opérateur nabla $\nabla$ avec le champ de vecteurs $F$.
Soit $F = (F_1, F_2, F_3)$ un champ de vecteurs de classe C¹ sur un ouvert $U \subset \mathbb{R}^3$.
Le rotationnel de $F$, noté $\text{rot } F$ ou $\nabla \wedge F$ (ou $\nabla \times F$), est le champ de vecteurs défini sur $U$ par le déterminant formel :
$$ \text{rot } F = \begin{vmatrix}
\vec{i} & \vec{j} & \vec{k} \\
\frac{\partial}{\partial x} & \frac{\partial}{\partial y} & \frac{\partial}{\partial z} \\
F_1 & F_2 & F_3
\end{vmatrix}
$$
En développant ce déterminant, on obtient les composantes du vecteur rotationnel :
$$ \text{rot } F = \left( \frac{\partial F_3}{\partial y} – \frac{\partial F_2}{\partial z} \right)\vec{i} + \left( \frac{\partial F_1}{\partial z} – \frac{\partial F_3}{\partial x} \right)\vec{j} + \left( \frac{\partial F_2}{\partial x} – \frac{\partial F_1}{\partial y} \right)\vec{k} $$
2. Interprétation Physique
L’interprétation du rotationnel est très visuelle. Imaginons que $F$ représente le champ de vitesse d’un écoulement fluide. Si l’on place une petite roue à aubes (un « moulinet ») au point $a$ dans le fluide, le rotationnel nous dit comment elle va tourner.
[Image d’un champ de vecteurs tourbillonnant]- Le vecteur $\text{rot } F(a)$ a pour direction l’axe autour duquel la roue à aubes va tourner.
- Sa norme $\|\text{rot } F(a)\|$ est proportionnelle à la vitesse de rotation.
- Si $\text{rot } F(a) = \vec{0}$, la roue ne tourne pas. On dit que le champ est irrotationnel en ce point. Cela ne signifie pas que l’écoulement est en ligne droite, mais qu’il n’y a pas de « tourbillon » local.
Un champ de vecteurs qui dérive d’un gradient, $F = \nabla f$, est toujours irrotationnel (on a l’identité fondamentale $\text{rot}(\nabla f) = \vec{0}$). Ces champs sont dits conservatifs en physique.
3. Exemples de Calcul
Exemple 1 : Champ Rotationnel Pur
Soit le champ $F(x,y,z) = (-y, x, 0)$. Ce champ décrit une rotation autour de l’axe $z$.
On a $F_1 = -y$, $F_2 = x$, $F_3 = 0$.
$$ \frac{\partial F_3}{\partial y} = 0, \quad \frac{\partial F_2}{\partial z} = 0 $$
$$ \frac{\partial F_1}{\partial z} = 0, \quad \frac{\partial F_3}{\partial x} = 0 $$
$$ \frac{\partial F_2}{\partial x} = 1, \quad \frac{\partial F_1}{\partial y} = -1 $$
Le rotationnel est donc :
$$ \text{rot } F = (0-0)\vec{i} + (0-0)\vec{j} + (1 – (-1))\vec{k} = (0, 0, 2) = 2\vec{k} $$
Le rotationnel est un vecteur constant pointant vers le haut de l’axe $z$. Il indique que le champ tourne autour de l’axe $z$ avec une « intensité » constante de 2.
Exemple 2 : Champ Radial (Gradient)
Soit le champ $F(x,y,z) = (x, y, z)$. Ce champ est le gradient de la fonction $f(x,y,z) = \frac{1}{2}(x^2+y^2+z^2)$. On s’attend à un rotationnel nul.
On a $F_1 = x$, $F_2 = y$, $F_3 = z$. Toutes les dérivées partielles « croisées » sont nulles : $\frac{\partial F_1}{\partial y}=0, \frac{\partial F_2}{\partial x}=0$, etc.
$$ \text{rot } F = (0-0)\vec{i} + (0-0)\vec{j} + (0-0)\vec{k} = \vec{0} $$
Le champ est bien irrotationnel.
Exemple 3 : Champ de Couette
Soit l’écoulement $F(x,y,z) = (y, 0, 0)$. Les lignes de champ sont des droites parallèles à l’axe des $x$, mais la vitesse dépend de $y$.
$F_1=y, F_2=0, F_3=0$.
$$ \text{rot } F = (0-0)\vec{i} + (0-0)\vec{j} + (0-1)\vec{k} = -\vec{k} $$
Même si les trajectoires sont des lignes droites, le champ a un rotationnel non nul. Une roue à aubes placée dans cet écoulement tournerait car le fluide va plus vite en haut de la roue qu’en bas.