Polynômes Irréductibles de C[X]

Introduction : Le Cas Idéal de la Factorisation

La factorisation d’un polynôme en ses « atomes » irréductibles dépend fortement du corps de coefficients utilisé. Dans l’anneau des polynômes à coefficients complexes, $\mathbb{C}[X]$, la situation est la plus simple et la plus élégante possible. La raison en est une propriété fondamentale du corps des nombres complexes : il est algébriquement clos.

Cette propriété, formalisée par le théorème de d’Alembert-Gauss (ou théorème fondamental de l’algèbre), stipule que tout polynôme non constant à coefficients complexes admet au moins une racine dans $\mathbb{C}$. Cette garantie d’existence d’une racine a une conséquence spectaculaire : elle simplifie radicalement la nature des polynômes irréductibles. Il n’existe qu’une seule forme possible pour ces « atomes », ce qui rend la factorisation dans $\mathbb{C}[X]$ complète et prévisible.

Rappel : Polynôme Irréductible

Un polynôme $P(X) \in \mathbb{C}[X]$ non constant est dit irréductible sur $\mathbb{C}$ s’il ne peut pas être écrit comme le produit de deux polynômes de $\mathbb{C}[X]$ de degrés strictement inférieurs à celui de $P$.

Le Théorème Fondamental et ses Conséquences

Le théorème de d’Alembert-Gauss est le pilier sur lequel repose toute la théorie de la factorisation dans $\mathbb{C}[X]$.

Théorème de d’Alembert-Gauss

Tout polynôme $P(X) \in \mathbb{C}[X]$ de degré $n \ge 1$ admet au moins une racine dans $\mathbb{C}$.

Ce théorème nous permet de prouver très simplement le résultat principal sur les irréductibles de $\mathbb{C}[X]$.

Théorème de Caractérisation des Irréductibles de $\mathbb{C}[X]$

Les seuls polynômes irréductibles de l’anneau $\mathbb{C}[X]$ sont les polynômes de degré 1.

Démonstration

La preuve est une application directe du lien entre racines et divisibilité.

  • Les polynômes de degré 1 sont irréductibles : Un polynôme de degré 1 ne peut pas être le produit de deux polynômes de degrés strictement inférieurs (qui seraient de degré 0, c’est-à-dire des constantes non nulles). Ils sont donc, par définition, irréductibles.
  • Un polynôme de degré $n \ge 2$ est toujours réductible : Soit $P(X)$ un polynôme de $\mathbb{C}[X]$ avec $\deg(P) = n \ge 2$.
    D’après le théorème de d’Alembert-Gauss, $P(X)$ admet au moins une racine $\alpha \in \mathbb{C}$.
    Nous savons que si $\alpha$ est une racine de $P(X)$, alors le polynôme $(X-\alpha)$ divise $P(X)$.
    On peut donc écrire $P(X) = (X-\alpha)Q(X)$, où $Q(X)$ est un autre polynôme.
    Par la règle des degrés, $\deg(P) = \deg(X-\alpha) + \deg(Q)$, soit $n = 1 + \deg(Q)$. On en déduit que $\deg(Q) = n-1$.
    Puisque $n \ge 2$, on a $\deg(X-\alpha)=1 \ge 1$ et $\deg(Q)=n-1 \ge 1$. Les degrés des deux facteurs sont strictement inférieurs à $n$.
    Par conséquent, $P(X)$ est réductible.

Ceci prouve qu’aucun polynôme de degré supérieur ou égal à 2 ne peut être irréductible. Les seuls irréductibles sont donc bien les polynômes de degré 1.

Conclusion : Tout Polynôme est Scindé sur $\mathbb{C}$

La conséquence la plus importante de ce théorème est que tout polynôme à coefficients complexes peut être « cassé » complètement en un produit de facteurs de degré 1. On dit qu’il est scindé.

Corollaire : Factorisation dans $\mathbb{C}[X]$

Tout polynôme $P(X) \in \mathbb{C}[X]$ de degré $n \ge 1$ s’écrit de manière unique (à l’ordre près) sous la forme : $$ P(X) = c (X-\alpha_1)(X-\alpha_2)\dots(X-\alpha_n) $$ où $c$ est le coefficient dominant de $P$ et les $\alpha_1, \dots, \alpha_n$ sont les $n$ racines de $P$ dans $\mathbb{C}$ (comptées avec leur multiplicité).