Propriétés des Anneaux Principaux

Introduction : Quand la Simplicité Engendre la Richesse

Un anneau principal est un anneau intègre commutatif dont tous les idéaux sont principaux, c’est-à-dire engendrés par un seul élément. Cette condition, apparemment très simple, impose une structure arithmétique extraordinairement riche et bien ordonnée à l’anneau. Elle généralise les propriétés familières de l’anneau des entiers $\mathbb{Z}$ et de l’anneau des polynômes $K[X]$ sur un corps.

Les propriétés qui en découlent sont si fondamentales qu’elles forment le socle de l’arithmétique. Elles concernent la décomposition en facteurs premiers, l’existence du plus grand commun diviseur (PGCD) et la relation intime entre les éléments irréductibles et la structure des idéaux. Ce document explore en détail ces conséquences majeures.

Propriété 1 : Tout anneau principal est factoriel

C’est sans doute la propriété la plus importante. Un anneau est dit factoriel si tout élément non nul et non inversible admet une décomposition en un produit d’éléments irréductibles, et si cette décomposition est unique à l’ordre des facteurs et à la multiplication par des éléments inversibles près.

Théorème : Tout anneau principal est un anneau factoriel.

Cela signifie que dans un anneau principal, on dispose d’une version généralisée du théorème fondamental de l’arithmétique. Par exemple :

  • Dans $\mathbb{Z}$, l’entier $12$ se décompose en $2^2 \cdot 3$. Les facteurs $2$ et $3$ sont irréductibles (premiers).
  • Dans $\mathbb{R}[X]$, le polynôme $X^4-1$ se décompose en $(X-1)(X+1)(X^2+1)$. Les trois facteurs sont irréductibles dans $\mathbb{R}[X]$.

La preuve de ce théorème se fait en deux temps :

  1. Existence de la décomposition : On montre que tout anneau principal est noethérien (voir propriété 4), ce qui garantit que le processus de factorisation doit s’arrêter.
  2. Unicité de la décomposition : L’unicité repose sur le lemme d’Euclide, qui stipule que si un irréductible $p$ divise un produit $ab$, alors $p$ divise $a$ ou $p$ divise $b$. Cette propriété est vraie dans tout anneau principal.
Propriété 2 : Existence du PGCD et Identité de Bézout

Dans un anneau principal, la notion de plus grand commun diviseur (PGCD) est bien définie et se comporte comme attendu.

Soit $A$ un anneau principal et soient $a, b \in A$. Considérons l’idéal $I = (a, b)$ engendré par $a$ et $b$. Comme $A$ est principal, il existe un élément $d \in A$ tel que $I = (d)$. Cet élément $d$ possède les propriétés suivantes :

  • $d$ est un diviseur commun de $a$ et $b$. En effet, $a \in (d)$ et $b \in (d)$, donc $d|a$ et $d|b$.
  • Tout autre diviseur commun de $a$ et $b$ divise $d$. En effet, comme $d \in (a,b)$, il existe $u, v \in A$ tels que $d = au+bv$. Si $c|a$ et $c|b$, alors $c$ divise la combinaison linéaire $au+bv$, donc $c|d$.

Cet élément $d$ est donc un PGCD de $a$ et $b$. De plus, la relation $d = au+bv$ est la célèbre identité de Bézout.

Conclusion : Dans un anneau principal, le PGCD de deux éléments existe toujours et peut s’exprimer comme une combinaison linéaire de ces éléments.

Propriété 3 : Idéaux Premiers et Maximaux

La structure des idéaux premiers et maximaux est remarquablement simple dans un anneau principal. Elle est directement liée aux éléments irréductibles.

Théorème : Soit $A$ un anneau principal et $p \in A$. Les propositions suivantes sont équivalentes pour un idéal $I=(p)$ non nul :

  1. L’idéal $(p)$ est maximal.
  2. L’idéal $(p)$ est premier.
  3. L’élément $p$ est irréductible.

Dans un anneau quelconque, on a seulement la chaîne d’implications : maximal $\implies$ premier $\implies$ l’élément générateur est irréductible. Le fait que toutes ces notions coïncident dans un anneau principal est une simplification considérable.

Cette propriété a une conséquence très importante pour les anneaux quotients :

  • L’anneau quotient $A/(p)$ est un corps si et seulement si $(p)$ est maximal.
  • L’anneau quotient $A/(p)$ est intègre si et seulement si $(p)$ est premier.

Conclusion : Dans un anneau principal $A$, le quotient $A/(p)$ est un corps si et seulement si $p$ est un élément irréductible. C’est la base de la construction des corps finis et des nombres complexes.

Propriété 4 : Tout anneau principal est noethérien

Un anneau est dit noethérien si toute suite croissante d’idéaux est stationnaire, c’est-à-dire qu’à partir d’un certain rang, tous les idéaux de la suite sont égaux. $$ I_1 \subseteq I_2 \subseteq I_3 \subseteq \dots \implies \exists N, \forall k \ge N, I_k = I_N $$

Théorème : Tout anneau principal est noethérien.

Idée de la preuve : Soit $(I_k)_{k \ge 1}$ une suite croissante d’idéaux. L’union $I = \bigcup_{k=1}^\infty I_k$ est encore un idéal. Comme l’anneau est principal, $I = (a)$ pour un certain $a$. Cet élément $a$ doit appartenir à l’un des idéaux de la suite, disons $a \in I_N$. Mais alors, tout multiple de $a$ est dans $I_N$, donc $I \subseteq I_N$. Comme on a aussi $I_N \subseteq I$, on en déduit que $I = I_N$. Pour tout $k \ge N$, on a donc $I_N \subseteq I_k \subseteq I = I_N$, ce qui force $I_k=I_N$. La suite est stationnaire.

Cette propriété est cruciale car elle garantit l’existence de la décomposition en facteurs irréductibles. Sans elle, on pourrait imaginer une « descente infinie » de diviseurs.