Propriétés des Opérateurs Différentiels
Les opérateurs gradient, divergence et rotationnel ne sont pas des objets isolés. Ils sont liés par des identités remarquables, souvent appelées « formules d’analyse vectorielle », qui sont d’une importance capitale en physique théorique, notamment en électromagnétisme et en mécanique des fluides.
1. Linéarité
Tous les opérateurs différentiels que nous avons vus sont des opérateurs linéaires. Cela signifie qu’ils se distribuent sur les sommes et que l’on peut « sortir » les constantes.
Soient $f,g$ des champs scalaires, $F,G$ des champs de vecteurs, et $\lambda, \mu \in \mathbb{R}$.
- $\nabla(\lambda f + \mu g) = \lambda \nabla f + \mu \nabla g$
- $\text{div}(\lambda F + \mu G) = \lambda \text{div } F + \mu \text{div } G$
- $\text{rot}(\lambda F + \mu G) = \lambda \text{rot } F + \mu \text{rot } G$
2. Identités Fondamentales (Dérivées Secondes)
Les identités les plus importantes font intervenir des compositions de ces opérateurs, faisant ainsi apparaître des dérivées secondes. Elles reposent sur le théorème de Schwarz sur l’égalité des dérivées partielles croisées.
Le rotationnel du gradient d’un champ scalaire (de classe C²) est toujours nul. $$ \text{rot}(\nabla f) = \nabla \wedge (\nabla f) = \vec{0} $$
Interprétation : Un champ de vecteurs qui dérive d’un potentiel scalaire ($F = \nabla f$) est toujours irrotationnel. En physique, on dit qu’un tel champ est conservatif. Cette identité garantit qu’une force conservative ne peut pas créer de tourbillon.
La divergence du rotationnel d’un champ de vecteurs (de classe C²) est toujours nulle. $$ \text{div}(\text{rot } F) = \nabla \cdot (\nabla \wedge F) = 0 $$
Interprétation : Un champ de vecteurs qui est lui-même un rotationnel ($G = \text{rot } F$) est toujours à divergence nulle (on dit qu’il est solénoïdal). Physiquement, cela signifie qu’un tourbillon ne peut pas être une source ou un puits ; ce qui entre d’un côté doit ressortir de l’autre. L’équation de Maxwell $\text{div } \vec{B} = 0$ implique que le champ magnétique peut être vu comme le rotationnel d’un « potentiel vecteur » $\vec{A}$ (tel que $\vec{B} = \text{rot } \vec{A}$).
3. L’Opérateur Laplacien
La composition de la divergence et du gradient donne naissance à un nouvel opérateur scalaire de second ordre fondamental : le Laplacien.
Soit $f$ un champ scalaire de classe C². Le Laplacien de $f$, noté $\Delta f$, est le champ scalaire défini par la divergence du gradient de $f$. $$ \Delta f = \text{div}(\nabla f) = \nabla \cdot (\nabla f) $$ En coordonnées cartésiennes, sa formule est la somme des dérivées secondes pures : $$ \Delta f = \frac{\partial^2 f}{\partial x_1^2} + \frac{\partial^2 f}{\partial x_2^2} + \dots + \frac{\partial^2 f}{\partial x_p^2} $$
Le Laplacien apparaît dans de nombreuses équations fondamentales de la physique : équation de la chaleur, équation de Schrödinger, équation des ondes, équations de Laplace et de Poisson en électromagnétisme…
On peut combiner les identités précédentes pour obtenir une relation importante.
Pour un champ de vecteurs $F$ de classe C², on a l’identité : $$ \text{rot}(\text{rot } F) = \nabla(\text{div } F) – \Delta F $$ où $\Delta F$ est le Laplacien vectoriel, appliqué à chaque composante de $F$.